Football : Le syndicat des joueurs attaque frontalement la FIFA
Dans une lettre très offensive signé de son président argentin Sergio Marchi, qu’a pu consulter AS, la FIFPro a apostrophé l’instance dirigeante du football sur son absence de mesures pour alléger le calendrier mondial et protéger les joueurs.
Le torchon brûle à nouveau entre la FIFA et les joueurs. Après plusieurs mois d’accalmie sur le front de la contestation du calendrier mondial, la FIFPro a ranimé les braises de la colère. Le syndicat mondial représentant les joueurs et défendant leurs intérêts avait décidé de laisser du temps aux dirigeants du football pour mettre en place des actions, mais force est de constater que sa patience n’a pas été récompensée. "L'année 2025 touche à sa fin et, malheureusement, le football mondial continue de présenter les mêmes problèmes que nous avions prédits il y a des années", a regretté le président argentin de la FIFPro, Sergio Marchi, en préambule d’une lettre adressée à la FIFA.
Vaines promesses et appât du gain
Passablement contrarié, il s’est indigné des vaines promesses formulées. "Nous avons entendu des promesses, des discours et des annonces de la FIFA qui semblaient annoncer le début d'une nouvelle ère. Mais ce n'étaient que des paroles en l'air, des annonces vides de sens. Rien n'a changé. Tout au long de l’année, on a parlé de réformer les calendriers pour protéger la santé et le repos des footballeurs. On nous a promis un football plus humain, plus rationnel, mais rien n’a été mis en pratique. On continue d’assister à des saisons interminables, avec des matchs tous les trois jours, voire moins, des déplacements épuisants et aucune période de récupération. Les footballeurs sont traités comme des ressources inépuisables, et non comme des êtres humains. Ceux qui jouent trop mettent en péril leur santé physique et mentale ; ceux qui ne jouent pas assez continuent de manquer de réelles opportunités, sans aucune politique garantissant leur progression. Les salaires misérables et les ruptures de contrat persistent, touchant des milliers de footballeurs à travers le monde. Malgré les engagements pris et les plaintes répétées, on tolère encore que certains footballeurs travaillent sans être payés pendant des mois, ou que leurs droits les plus fondamentaux soient bafoués. J’ai tiré la sonnette d’alarme à chaque occasion de dialogue, mais je n’ai reçu que le silence ou l’indifférence", a-t-il reproché d’un ton offensif.
Plus encore, le président de la FIFPro n’a pas digéré les manœuvres mesquines de la FIFA. "Ces derniers jours, la FIFA a rencontré différents syndicats au Maroc afin d'évaluer les difficultés que peuvent rencontrer les footballeurs, notamment en ce qui concerne le calendrier des matchs (…) Ils ont choisi qui écouter et qui faire taire. Cette pratique n’est pas accidentelle. Il s’agit d’une discrimination structurelle, et elle est profondément antidémocratique. Le plus grave est qu’en discriminant les syndicats, ils discriminent aussi les joueurs qu’ils représentent. Ces derniers sont punis non seulement pour avoir une voix organisée, pour penser différemment, pour revendiquer la dignité. Cela viole le droit à la représentation collective, mais révèle aussi un mépris des valeurs les plus fondamentales du travail et du respect humain", a-t-il pointé dans sa missive, critiquant par ailleurs la recherche perpétuelle du profit au détriment de l’intérêt général. "Cette situation est aggravée par la programmation irresponsable de rencontres à des heures et des températures extrêmes, où le mérite sportif est subordonné aux impératifs commerciaux. Nous l'avons constaté lors de la dernière Coupe du monde des clubs organisée aux États-Unis, un tournoi conçu pour maximiser les recettes sans se soucier des souffrances des joueurs ou des spectateurs. (...) La FIFA persiste dans son attitude arrogante, refusant d'écouter, de dialoguer ou de consulter. Au lieu d'ouvrir des opportunités à tous les secteurs de l'industrie du football, elle choisit de discriminer et d'exclure."
Une contestation ravivée ?
Selon Sergio Marchi, la situation a atteint un point de non-retour. Déterminé à faire évoluer les rapports de force, il en appelle à une révolution des mentalités pour éviter une crise majeure. "Je réaffirme mon engagement en faveur du dialogue et d'une action constructive. J'aime mon métier, je crois au pouvoir des mots et à la recherche du consensus, mais je suis également prêt à me battre, avec conviction et détermination. J'en ai assez des déclarations creuses et des promesses sans résultats concrets. J'en ai assez de voir comment, depuis 2001, une règle aussi fondamentale que la durée minimale d'un an des contrats est bafouée. Des milliers de footballeurs sont toujours privés de cette garantie, et personne n'en prend la responsabilité. Le pouvoir, lorsqu'il est exercé sans dignité, cesse d'être une autorité et devient une perversion morale. Mon seul objectif est le bien-être des footballeurs, à tous les niveaux et partout dans le monde. Car le football ne peut plus reposer sur le sacrifice de ceux qui le rendent possible", a-t-il conclu.
Pour rappel, la saison dernière, une vague d’indignation avait émergé face à la surcharge du calendrier mondial, avec pour point de convergence l’introduction de la Coupe du monde des clubs, compétition imposée par la FIFA et dont le boycott avait été évité à la faveur d’une dotation financière considérable. Néanmoins, de nombreux acteurs du football avaient exprimé leur ras-le-bol et l’idée même d’une grève avait été mentionnée. Si les voix discordantes avaient cessé de se faire entendre, l’inaction des instances mondiales, dont les conséquences se font sentir avec un nombre toujours aussi élevé de blessures chez les joueurs, pourrait bien raviver la flamme de la contestation.









