Les grands derbys du monde : Raja-Wydad
Toute la semaine, nous vous faisons découvrir les derbys les plus intenses du football hors d'Europe. Direction Casablanca où l'ambiance est toujours au rendez-vous.
Un des matchs les plus fous de la saison a eu lieu le 23 novembre dernier et il s'est déroulé de l'autre côté de la Méditerranée. Le huitième de finale retour de la Coupe arabe des clubs champions a réuni tous les ingrédients qui font un match de légende. Dans un stade Mohammed V qui a été littéralement enflammé par les supporters, le Raja Casablanca a remonté un retard de trois buts pour arracher le match nul (4-4) et se qualifier aux dépens du Wydad Casablanca. Un scénario incroyable pour un derby disputé dans une compétition internationale. Le point culminant d'une rivalité entre les deux clubs casablancais.
Ces deux formations qui règnent aujourd'hui sur le football marocain et se placent toujours sur la scène continentale ont vu le jour à une époque où le Maroc était encore français. Wydad et Raja ont un point commun, ils ont été fondés pour lutter contre le colonialisme. En 1937, le Wydad est créé pour permettre aux juifs et musulmans d'accéder aux piscines de la ville-blanche. C'est d'abord en water-polo que les Wydadis ont été actifs. En 1939, la section football est ouverte. Dix ans plus tard, le Raja a fait ses débuts. Les syndicalistes du quartier de Derb Sultan ont décidé de se lancer dans le sport et notamment le football pour permettre l'émancipation marocaine. La reconversion de ce qui était à l'origine une troupe théâtrale n'a été possible que grâce à Ben Abadji Hejji. A l'époque, les clubs marocains devaient être présidés par un Français. Le Raja a profité de cette règle pour se lancer dans le football grâce à cet homme d'origine algérienne et donc Français pour l'état-civil.
Le Wydad règne sur la scène nationale, le Raja domine à l'échelle africaine
Au commencement, ces deux formations ont eu plus de ressemblances que de différences. Un entraîneur connu sous le nom de Père Jego a façonné les deux formations. Mais au lendemain de l'indépendance, quand le premier derby a lieu dans le cadre du premier championnat marocain, c'est bien avec l'intention de se venger des Rouges du Wydad qu'il a dirigé le Raja. Un état d'esprit suffisant pour permettre aux Rajaouis de l'emporter malgré leur manque d'expérience (1-0). Et grâce à ces rencontres souvent serrées, la rivalité entre les deux ogres du football marocain est devenue un des derbys les plus féroces du monde. En 2020, le Raja mène la danse de peu. 41 victoires à 36. Une maigre consolation pour des Verts qui ont gagné 11 titres nationaux contre 20 à leur principal rival. Mais les Aigles restent devant sur la scène africaine avec cinq titres dont trois fois la Ligue des Champions. Le Wydad aurait pu revenir à hauteur l'an passé mais la défaite controversée lors de la finale en a décidé autrement.
Il n'y a pas qu'au niveau du terrain que les deux clubs ont un niveau similaire. Dans les tribunes, le derby casablancais est l'occasion de voir des tifos dont l'Europe n'a plus forcément l'habitude. Dans un derby, la suprématie se joue aussi dans les tribunes et c'est encore plus le cas au Maroc où les groupes ultras sont particulièrement actifs. Le fait que les deux équipes cohabitent au stade Mohammed V permet un spectacle encore plus incroyable. A chaque derby, les 52 000 places sont équitablement partagées entre les supporters des deux camps. Un côté est rouge, l'autre est vert. Puis l'ensemble du stade a pour l'habitude de s'embraser avec les nombreux fumigènes et des animations toujours plus impressionnantes qui ont lieu au début des deux périodes. Ces rencontres aussi intenses sur le terrain qu'en dehors préservent l'identité marocaine et celle d'un football populaire. Une ambiance qui pourrait connaître un nouveau pic si les deux équipes se retrouvent en finale de la Ligue des Champions de la CAF...