WTA - Naomi Osaka, qu'on lui donne l'envie
Naomi Osaka est descendue à la dixième place mondiale après un Open d'Australie raté, éliminée au troisième tour par Cori Gauff (6-3, 6-4). Frédéric Viard n'est malheureusement pas étonné.
Encore raté. Naomi Osaka n’est pas partie pour être la reine parfaite, mi-glamour mi-tueuse, que la WTA n’en peut plus d’attendre. « Avec son enchaînement US Open 2018 – Melbourne 2019, elle devenait la première depuis Serena Williams à remporter deux titres du Grand Chelem d’affilée. On se dit qu’on tient un sacré bout de femme… Et elle explose ! » Le constat de Frédéric Viard s’accompagne d’une analyse assez simple : « Elle n’est pas prête à vivre le sacerdoce du tennis. Elle ne se demande pas pourquoi elle ne retrouve pas son tennis. Elle s’en fout. »
Son cheminement n’est pas celui d’une bête féroce : « Elle a perdu un peu de sa légèreté, en se rendant compte que tout le monde l’attendait. Sauf qu’à ce moment-là, normalement, on réfléchit et on sait ce qui ne fonctionne pas. C’est salutaire, tu t’enlèves de la pression en arrêtant de rechercher l’excellence à tout prix… Mais pas elle. L’an dernier, sur un changement de côté avec un énième coach, on la voit rigoler et on se demande pourquoi. Sur ses réseaux sociaux, on ne la voit pas s’entraîner, on ne voit que des photos de mode. »
Autre exemple de la désinvolture coupable d’Osaka : « En février, pour le tour qualificatif de Fed Cup entre l’Espagne et le Japon, elle vient avec les chaussures de l’Open d’Australie alors qu’elle joue sur terre battue. Bon, même si elle les oublie, on est en Espagne, il y a forcément moyen d’en trouver... Elle n’est peut-être venue que pour participer et valider son ticket pour les JO, mais tu ramènes quand même ton matériel… » Face à elle, Ashleigh Barty est le contre-exemple parfait. « Mais elle a fait un burn-out après avoir gagné Wimbledon juniors à quinze ans, elle a quitté le tennis pendant presque un an, elle est partie au cricket et elle est revenue avec l’envie. Ce break a peut-être été salutaire. »
Est-ce sinon un problème de concurrence ? « Chez les garçons, Alexander Zverev ou Stefanos Tsitsipas n’ont pas les mêmes problèmes car ils ont les trois devant, donc personne ne s’attend à ce qu’ils gagnent, précise encore notre journaliste. Il n’y a pas ce poids incroyable qu’a eue Osaka. » Pourtant, dans l’histoire, Monica Seles, Serena Williams bien sûr ou Maria Sharapova ont été ces modèles d’abnégation. Simona Halep ou Elina Svitolina le sont encore, Bianca Andreescu semble aussi d’une autre trempe qu’Osaka au niveau de la détermination. Et Cori Gauff arrive…
Osaka a peut-être battu Serena Williams trop vite et trop facilement, avec la place de n°1 mondiale en prime. « A ce moment-là, il faut avoir sacrément faim pour maintenir le même niveau d’intensité, pour se lever tôt même si on n’a pas envie, pour être un chien galeux quand on perd… En tennis, on est son propre patron. On grandit avec un coach, et d’un seul coup on explose. Il faut avoir envie de continuer de se botter les fesses ! Quand Serena Williams gagne son dernier Roland-Garros, on a l’impression qu’elle va mourir à chaque fin de match. Il y a 140 parcours différents pour arriver au meilleur niveau, mais pour y rester, c’est le mental et l’état d’esprit. »
Osaka, la peut-être trop bien nommée, n’est certainement pas faite non plus pour supporter l’adoration extrême que portent les Japonais à leurs athlètes – surtout ceux qui gagnent. Sa double culture lui a offert un détachement et un humour rafraîchissants, visiblement trop pour elle. A l’inverse de son compatriote Kei Nishikori « qui a toujours énormément bossé », comme le rappelle encore Frédéric Viard. Osaka est peut-être condamnée à n’exister que par fulgurances. A 22 ans, on peut encore lui accorder l’incertitude de la jeunesse. Mais le chantier est énorme.