La Liga : Lamine Yamal ne connaît pas la pression
Longuement interrogé dans l’émission '60 Minutes' de CBS, l’ailier du FC Barcelone a expliqué ne pas ressentir les attentes extérieures et se concentrer seulement sur le fait de jouer au football.
Le Deportivo Alavés avait cru réussir le bon coup samedi en prenant l’avantage dès la première minute de jeu. Le bonheur des visiteurs n’a duré que trois minutes, le temps pour Lamine Yamal de s’illustrer et d’égaliser pour le FC Barcelone, qui allait finalement s’imposer grâce à un doublé de Dani Olmo (3-1).
Encore une fois, l’ailier gaucher est venu au secours de son club et a répondu aux attentes. Une évidence et en même temps un anachronisme pour un joueur tout sauf normal. "Même si on le voulait, on ne le serait jamais. Un jeune de 18 ans quitte le lycée et rentre chez lui. Moi, je sors de l'entraînement et quatre paparazzis sont devant chez moi pour me poser des questions sur ma vie. J'allume la télé et je suis à l'écran. Je marche dans la rue et je vois un gamin qui porte mon t-shirt. J'ai envie d'aller boire un verre, mais je ne peux pas parce que les gens n'arrêtent pas de m'arrêter, ce qui est normal. J'essaie de trouver des choses simples comme jouer à la PlayStation, déjeuner avec ma mère, passer du temps avec mon frère, mais honnêtement, je ne serai jamais un jeune de 18 ans comme les autres parce que les gens ne me voient pas comme un jeune normal et je ne pourrais pas me comporter comme tel", a-t-il confié lors d’une longue interview accordée à l’émission 60 Minutes, diffusée par CBS.
"Je ne ressens pas de pression en jouant au football"
Cette exception, Lamine Yamal s’en accommode d’autant mieux qu’il n’y prête pas spécialement attention. Phénomène de précocité, il a appris à composer avec la pression. "La pression est mentale. C'est quelque chose que chacun porte en soi. Je ne l'ai jamais ressentie, et je ne sais pas si je la ressentirai un jour", a-t-il expliqué avec détachement. Tout juste a-t-il admis du stress avant ses grands débuts professionnels à seulement 15 ans en avril 2023. "Honnêtement, pas au moment où j'ai foulé la pelouse, mais pendant l'échauffement, en voyant le Camp Nou, en sachant que j'allais enfin y entrer, que c'était mon moment, que j'en avais rêvé et que ça se réalisait vraiment… on ressent forcément du trac, mais c'est du bon trac. Cette sensation de brûlure dans le ventre et le temps qui passe à toute vitesse. C'est un mélange d'adrénaline, de trac et d'excitation", a déclaré l'Espagnol.
Pour comprendre son rapport à la pression, il faut comprendre d’où il vient. "J'ai l'impression que mes parents, eux, en ont subi. Ils étaient jeunes, ils m'avaient. Il faut subvenir aux besoins de la famille, travailler, rendre son enfant heureux, lui acheter des cadeaux. Ça, c'est de la pression, et une mauvaise pression. Je ne ressens pas de pression en jouant au football. J'essaie d'en profiter et de me rappeler que mes amis ont vécu des choses bien pires que moi, et moi, je joue au football", a dit Lamine Yamal avec recul et philosophie avant d’avouer avoir été plus nerveux sur les terrains de Rocafonda que sur n’importe quelle pelouse européenne. "C'était un quartier où personne ne savait de quoi l'avenir serait fait. Serait-on footballeur, architecte, peintre, trouverait-on même un emploi ? On jouait pour le plaisir, et on rêvait tous d'être footballeurs. Personne ne comptait sur une carrière professionnelle. C'est une situation plus difficile. On voit ses parents travailler, ne pas toujours pouvoir être là, et on est inquiet. On ne sait pas ce qui va nous arriver", a-t-il soutenu.
Un dribbleur tardif
S’il relativise les enjeux de sa vie professionnelle, c’est aussi en raison de sa personnalité. Pour lui, le football est avant tout un jeu. "Je n'ai jamais été du genre à me dire, avant d'entrer sur le terrain : 'Je dois marquer quatre buts et faire trois passes décisives.' Je me dis plutôt : 'Aujourd'hui, je veux prendre du plaisir, mettre en pratique ce que j'ai appris hier, faire comme avant au parc, que les autres s'amusent, que je m'amuse avec mes coéquipiers, et si en plus je marque beaucoup de buts, tant mieux.' Mais le football, c'est bien plus que ça", a poursuivi le virevoltant ailier, ajoutant : "Jouer, c'est le meilleur moment de ma journée. Quand je peux jouer et prendre du plaisir avec mes coéquipiers, ça se voit sur le terrain et ça se ressent dans mon jeu."
Joueur, Lamine Yamal aime provoquer, défier ses adversaires même en infériorité numérique. Un aspect de son jeu apparu sur le tard à l’en croire. "Ce qui est étrange, c'est que je n'ai jamais beaucoup dribblé étant enfant. On ne m'a jamais vu éliminer beaucoup d'adversaires. Je marquais beaucoup de buts, je courais beaucoup et j'avais une bonne vision du jeu. Depuis tout petit, en regardant Messi, j'ai remarqué qu'il faisait différents types de passes. J'ai vu des joueurs avec une très bonne qualité de passe, capables de faire de longues passes, mais Messi faisait des passes décisives qui menaient à des buts. J'ai vu Modric utiliser beaucoup ces passes de l'extérieur du pied. C'étaient des choses que je trouvais plus intéressantes que les dribbles, peut-être. J'étais plutôt un joueur de tête", a-t-il surpris.
"Une question d'instinct et de confiance"
S’il n’a rien perdu de sa vision et brille encore davantage pour les caviars qu’il distribue, à l’image des 25 délivrés toutes compétitions confondues la saison dernière, le natif d’Esplugues de Llobregat a élargi sa palette et s’est aussi imposé comme un dribbleur redouté et redoutable. "J'essaie d'avoir confiance en moi. Même face à trois adversaires, je ne pense jamais qu'ils vont me prendre le ballon. Même si, souvent, je fais une passe et qu'ils récupèrent le ballon, j'essaie toujours d'adapter mon jeu. Je serais un joueur différent si, à chaque fois que je voyais deux ou trois adversaires devant moi, je faisais une passe. Je me concentre sur la meilleure décision possible et, dans ce contexte, sur ce qui est le mieux pour l'équipe. C'est surtout une question d'instinct et de confiance", a développé Lamine Yamal pour l’émission américaine.
Du haut de ses 18 ans, la jeune star du FC Barcelone ne manque pas de confiance en lui, ce qui a pu lui jouer des tours comme lors du dernier Clasico (défaite 1-2 contre le Real Madrid) où ses taquineries d’avant-match s’étaient retournées contre lui après sa prestation ratée. Pas de quoi le vacciner contre cet exercice provocateur. "Quand tout va mal, je me concentre sur le positif. Ça me permet de garder les pieds sur terre. Au football, c'est primordial. Je ne me suis jamais couché le cœur lourd. Je me dis toujours que je ferai mieux demain et que je jouerai bien ce week-end. C'est ce qui m'a permis de survivre dans ce monde difficile", a conclu le champion d’Europe 2024 qui se voit comme "un athlète qui divertit et dont le but n'est pas de battre tous les records, de marquer un million de buts ou de réaliser un million de dribbles."
C’est donc le cœur léger et avec l’envie de s’amuser qu’il abordera la réception de l’Atlético de Madrid mardi soir (21h sur beIN SPORTS 2), comptant en match avancé de la 19e journée de La Liga. Une approche qui lui réussit ces dernières semaines puisqu’il compte trois buts et autant de passes décisives lors des quatre derniers matchs du FC Barcelone en championnat.









