Des exploits mais pas de continuité, le paradoxe du tennis masculin français
Alors que la saison s'approche lentement de sa fin, les Tricolores pourraient disparaître des hauteurs du classement ATP, alors que se profile le Masters 1000 joué dans l'Hexagone.
Il se passe décidément toujours quelque chose avec le tennis français masculin. Rien que la semaine dernière, Terence Atmane a fait frissonner le numéro deux mondial Jannik Sinner pendant deux sets à Pékin, où Adrian Mannarino s'est offert Alexander Bublik, qui évolue à un niveau Top 5 mondial depuis deux mois. Comme Atmane, Corentin Moutet a chipé un set à Alexander Zverev, 3e joueur au classement ATP, et Arthur Rinderknech n'a été dominé qu'au tie-break du troisième set par Alex De Minaur, N.7 mondial. Alexandre Müller s'était, lui, offert le scalp de Karen Khachanov (N.10).
Des frissons, voire de petits exploits comme ceux-là, c'est presque le quotidien des Bleus. Un quotidien sans lendemain, puisqu'aucun de ces résultats n'a abouti à une qualification en quarts de finale de l'ATP 500 chinois. L'illustration presque trop parfaite d'un futur proche qui ne s'annonce pas glorieux question classements.
Le tennis masculin tricolore se dirige vers une fin de saison où aucun de ses représentants ne figurera dans le Top 30 mondial. C'est en tout cas le scénario le plus "logique" qui semble se profiler, alors que se tiendra dans quatre semaines le Masters 1000 de Paris, à la Défense Arena (qui prend la suite de Bercy). Ils sont pourtant encore deux à figurer dans ces hauteurs au moment de ces lignes : Ugo Humbert, 25e joueur mondial, et Arthur Fils, 28e. Cela pourrait ne pas durer, en toute logique.
Humbert et Fils vers la dégringolade ?
Humbert a déjà perdu gros la semaine dernière en sortant dès le premier tour à Tokyo, dont il avait atteint la finale l'an passé. Et le Messin aura encore plus à jouer à La Defense Arena à la fin du mois. Là aussi finaliste en 2024, il mettra en jeu plus d'un tiers de son total de points au classement ATP, et pourrait perdre jusqu'à 630 unités en cas d'élimination dès son entrée en lice. La chute serait brutale, autour du 50e rang mondial. Forfait à Shanghaï, Arthur Fils devrait lui glisser en fin de Top 40 s'il ne rejouait pas de la saison.
On est loin des espoirs nés en première moitié de saison, quand les deux compères ont atteint leur meilleur classement en carrière, 13e pour Humbert en janvier, 14e pour Fils jusqu'en début juin, après ses trois quarts de finale consécutifs en Masters 1000. Puis les blessures s'en sont mêlé. A la Race, le classement qui ne prend en compte que les résultats de la saison en cours, seul Fils se maintient pour le moment dans le Top 30, dont il ferme la marche… Et qu'il est assuré de quitter après le Masters 1000 Shanghai qui a débuté ce mercredi.
Tout n'est pas désespéré pour autant, et c'est aussi un peu ce qui fait le charme des Bleus aussi exaltants que frustrants. A Shanghai, Ugo Humbert flirte avec les vingt premières têtes de série (N.21) grâce aux forfaits en tous genres. Giovanni Mpetshi Perricard passe in extremis le cut, comme 32e "privilégié" exempté de premier tour. Corentin Moutet a lui hérité d'un incongru matricule 33 comme tête de série suite au forfait de Carlos Alcaraz, vainqueur plus tôt cette semaine à Pékin.
La France ultra-présente dans le ventre mou
Ils sont ainsi sept Bleus en tir groupé entre la 37e et la 57e place mondiale. Et même quatorze au total dans le Top 100 ce mercredi, la nation la plus représentée ex-æquo avec les Etats-Unis. A la différence près que les Américains sont sept dans le Top 40… Et deux dans le Top 6 avec Taylor Fritz et Ben Shelton. Fils, Humbert, Mpetshi Perricard (36e), Moutet (37e), Müller (39e), voire Rinderknech (55e), Mannarino (57e), Atmane (64e) ou Valentin Royer, 70e après sa première finale en carrière sur le circuit ATP le 23 septembre dernier à Hangzhou… Tous peuvent croire, à des degrés de probabilité plus ou moins élevés, en une saison 2025 bouclée comme meilleur Français du circuit.
Malgré les coups des uns et des autres, aucun joueur français ne s'est hissé en quart de finale d'un tournoi du Grand Chelem. Et ce, pour la troisième saison de rang, la deuxième plus longue disette de l'histoire du tennis masculin français dans l'ère Open, selon Jeu Set et Maths. L'un de ses principaux fournisseurs en moments forts, Gaël Monfils, vivra en 2026 la dernière saison de sa carrière, comme il l'a annoncé mercredi. On imaginait Fils lancé sur la voie vers le Top 10 après sa très belle première moitié de saison. Mais ni lui, ni une autre ne succédera à Monfils, dernier Bleu parmi ce gratin, en octobre 2020. Fils pourrait plutôt tenir d'Arthur Rinderknech, valeureux numéro un français au terme de l'exercice 2022, mais à bonne distance du Top 30 ou d'un statut de tête de série (44e).
Voilà qui n'a rien d'un heureux présage pour le Masters 1000 à l'Arena La Défense, et plus encore pour le premier Grand Chelem de 2026, l'Open d'Australie. Sans tête de série en 2023, le contingent masculin français n'avait connu aucun représentant en deuxième semaine, Ugo Humbert et Benjamin Bonzi s'arrêtant au troisième tour. C'est là qu'avait débuté cette spirale faite de promesses et de déceptions, en vagues discontinues. Le vivier est là, le potentiel - probablement surtout chez Fils - aussi. Reste cette mauvaise rengaine, et le constat implacable d'une stagnation au plus haut niveau international, au crépuscule de l'ère des Quatre Mousquetaires.