Leclerc frustré, Hamilton dépité : le marasme Ferrari
Après 14 des 24 week-ends du calendrier, la Scuderia Ferrari vit une drôle de saison 2025, entre absence de victoires et atmosphère tendue.
Il ne se passe décidément aucune saison de Formule 1 sans que Ferrari ne soit un des grands animateurs. Pourtant, la firme au Cheval Cabré n'a pas gagné la moindre course den 2025. Elle y a cru le 3 août dernier, quand Charles Leclerc s'est élancé en pole position du Grand Prix de Hongrie. Mais le week-end à Budapest s'est révélé être un miroir de cet exercice de la Scuderia, faite d'espoirs déçus et de franche déception. La mi-saison passée, on fait grise mine chez les Rouges.
Sur le Hungaroring, Ferrari est passé par toutes les émotions. Le bonheur tombé de nulle part ou presque avec une première pole position de la saison signée Leclerc dans un tour superbe. L'incrédulité totale face aux performances de Lewis Hamilton, en perdition alors que son voisin de stand partait en position de pointe. Et la désillusion à l'arrivée, sans podium mais pas sans amertume pour le pilote monégasque. Un condensé presque parfait d'une première partie d'année où les ambitions ont dû être revues à la baisse tant le constructeur italien se montre incapable de tenir la distance face au gratin sur la durée de tout un week-end.
Une rare opportunité manquée
Il y avait pourtant du mieux donc, après 40 tours passés en tête et le contrôle des opérations pour un Charles Leclerc à qui il est difficile de faire beaucoup de reproches cette saison. Puis patatras. Un deuxième arrêt aux stands, un changement de pneu pour un nouvel ensemble de gommes dures (les mêmes qu'il venait de délaisser), et "Charlot" a perdu tout rythme. Le pilote de la Principauté n'a pu que constater les dégâts : deux secondes perdues par tour et une quatrième place finale très dure à encaisser. "Je ne tire aucun positif de ce week-end quand on le termine de cette manière" s'est emporté Leclerc devant les micros de Canal +. "Quand on a une seule occasion dans l'année de gagner une course, il faut la saisir, et aujourd'hui, nous ne l'avons pas fait."
Ce comportement erratique de la SF-25 a alimenté toutes les suppositions : un problème de châssis évoqué par Ferrari elle-même, mais aussi une théorie d'ordre technique, exposée par le pilote Mercedes George Russell et étayée par plusieurs messages radio et données collectées durant la course. "La seule chose à laquelle je peux penser, c’est qu’ils roulaient avec une voiture trop basse", a expliqué le Britannique en conférence de presse après le Grand Prix.
La dangereuse nécessité de flirter avec la zone rouge
Pour générer davantage d'appui sur sa monoplace, la Scuderia aurait pris le risque d'abaisser au maximum sa voiture, un choix payant en qualifications et en début de course. Le risque aussi d'endommager la planche réglementaire située sous le fond plat. Cette même planche, trop fine à l'arrivée du Grand Prix de Chine, deuxième Grand Prix de la saison, et qui avait conduit à une double disqualification. "Ils ont donc dû augmenter les pressions de pneus dans le dernier relais" avance Russell. "Ils utilisaient un mode moteur qui muselait la puissance à la fin de la ligne droite, là où l’usure de la planche est plus importante."
A vouloir être plus performant, Ferrari se serait contraint de finir la course à l'économie, sabordant ainsi ses chances de podium, voire de victoire. "C'est incroyablement frustrant", avait fulminé Leclerc à son équipe durant le Grand Prix. "Nous avons perdu toute compétitivité. Vous n'aviez qu'à m'écouter. J'aurais trouvé d'autres manières de gérer ces problèmes. Maintenant, c'est juste inconduisible."
"Il y a à la fois du positif, parce qu'on se dit que quand tout est en ordre, on peut se bagarrer avec McLaren" analysait le directeur de l'écurie Frédéric Vasseur à Canal +. "Et puis beaucoup de frustration aussi du pilote et de toute l'équipe, parce que la victoire n'était pas loin et qu'elle nous a échappé." Une victoire après laquelle le Cheval Cabré court depuis le début de saison et qui le fuit désespérément.
Hamilton se dit "absolument inutile"
Le constat est encore plus amer pour Lewis Hamilton. Arrivé tel le Messie à Maranello, chargé des rêves les plus fous de retour vers les sommets, le septuple champion du monde ne cumule, lui, pas le moindre podium, hors sa victoire surprise sur le sprint à Shanghai. En Hongrie, sur ce qui est pourtant un de ses tracés fétiches (huit victoires), Hamilton a sombré, terminant pour la première fois de la saison hors des points. Sur le tourniquet magyar, le Britannique a traîné son spleen, voire sa sinistrose. "Je suis inutile, absolument inutile", a-t-il asséné à Sky Sports après une très médiocre 12e place en qualifications. "L'équipe n'a pas de problème, vous le voyez bien avec la pole de Charles. Ils devraient probablement changer de pilote."
Le transfuge de Mercedes a toutes les peines à s'adapter à son nouvelle monture, bien capricieuse dans son comportement depuis le début de la saison. Mais l'entendre émettre ouvertement l'hypothèse d'un départ préférable a fait l'effet d'une bombe de l'autre côté des Alpes. "Il est frustré, mais pas démotivé, c'est complètement différent" a rétorqué Frédéric Vasseur à la Gazzetta dello Sport pour tenter d'éteindre l'incendie. "Je n'avais aucune attente sur la première partie de saison, mais c'est certain que c'est la pire saison de ma carrière" a toutefois insisté un Lewis Hamilton aussi déçu qu'énigmatique. "Il se passe des choses en coulisses, cela n'aide pas vraiment."
Difficile d'imaginer le recordman des titres en F1 manquer la rentrée à Zandvoort le 31 août prochain. Ferrari espère sans doute que cette trêve estivale lui redonnera la confiance et la foi. Celles-ci n'ont pas quitté Charles Leclerc. Mais elles n'en sont pas moins teintées de fatalisme pour la suite de la saison. "Pour l’instant, je ne vois pas de circuits où nous serions favoris, mais j’espère être surpris."
Assurer la fin de saison ou avancer pour 2026, le dilemme de la Scuderia
La Scuderia va désormais tenter de se frayer un chemin entre deux eaux. Celles plus optimistes, qui voient Ferrari encore deuxième du classement constructeurs sans avoir un de ses pilotes dans le Top 4 mondial (Charles Leclerc 5e, Lewis Hamilton 6e). Et celles du moment, plus agitées, et qui pourraient être vues comme l'opportunité de penser à la suite alors que les deux titres mondiaux sont déjà hors de portée. Le nouveau règlement technique à partir de 2026 pourrait être propice à basculer les efforts et les forces vives sur la voiture de l'année prochaine. D'autant que les écuries se voient allouées un quota de temps passé en soufflerie décroissant en fonction de leur place au championnat constructeurs, afin de permettre aux écuries plus en fond de tableau de rattraper leur retard.
"La deuxième place au classement constructeurs est un de nos objectifs, mais le principal est de retrouver la victoire le plus vite possible" martèle Charles Leclerc. "Je suis plutôt convaincu que c'est mieux de finir deuxième que troisième. Même s'il y a la question du temps en soufflerie, ce n'est pas quelque chose à laquelle on pense trop. Quand nous sommes en piste, nous voulons simplement finir aussi haut que possible et nous gérerons ensuite, peu importe le nombre d'heures de soufflerie que nous aurons." Reste désormais à ne plus gâcher les opportunités qui pourraient s'offrir à la Scuderia.