Le bilan de la "première semaine" du Tour de France
La Grande Boucle a parcouru ses dix premières étapes depuis le départ de Lille, que faut-il en retenir à l'heure de la première journée de repos ?
La première semaine du Tour de France a joué les prolongations cette année. Avec un 14 juillet placé un lundi sur le calendrier, le peloton a été contraint à un peu de rab, jusqu'à la 10e étape. Le repos mardi à Toulouse sera bienvenu après un départ en trombe. Les favoris sont globalement présents, les animateurs aussi, les Français un peu moins. Voici le premier bilan de cette Grande Boucle.
Pogacar - Vingegaard, le duel a bien lieu
Ils étaient bien 184 coureurs au départ de ce Tour de France, mais c'est comme si seulement deux protagonistes avaient réellement voix au chapitre. La promesse d'un nouvel affrontement entre Tadej Pogacar (UAE Emirates-XRG) et Jonas Vingegaard (Visma | Lease a Bike) écrase un peu tout le reste. Mais au moins, elle est jusqu'ici tenue. Les vainqueurs des cinq dernières éditions de l'épreuve sont au rendez-vous, Pogacar en particulier. Le champion du monde mène aux points et au classement général : deux victoires d'étape (à Rouen sur la 4e étape, à Mûr-de-Bretagne sur la 7e étape), et quatre jours déjà passés avec le maillot jaune. Le bilan de Vingegaard fait, lui, plus pâle figure sans succès, mais avec 1"17" de retard sur son rival.
Le Danois regrettera peut-être son jour sans sur le contre-la-montre autour de Caen lors de la 5e étape. Dans ce qui pouvait être l'un des rares domaines où "Vingo" pouvait avoir l'ascendant, il a lâché 1'05" sur Tadej Pogacar. Le Slovène fait pour le moment tout comme il le faut, alternant avec justesse sa soif de victoires et l'économie d'efforts inutiles. Hormis le chrono caennais, "Pogi" n'a pour le moment pas dominé son vis-à-vis qui a toujours répliqué à ses tentatives dans les étapes pour puncheurs. Ce lundi pour la première étape de montagne, le Visma | Lease a bike a harcelé Pogacar, mais c'est bien lui qui a porté l'attaque la plus tranchante… Sans décramponner Jonas Vingegaard. La deuxième semaine pyrénéenne en dira bien plus long sur la hiérarchie, même si Pogacar a perdu son principal bras droit João Almeida sur abandon.
Ben Healy et Mathieu van der Poel, les primes à l'audace
Cette première partie de Tour avait été dessinée pour pousser les attaquants à se montrer, les puncheurs à s'exprimer. Opération réussie pour les organisateurs du Tour. Ils peuvent remercier en cela Mathieu van der Poel et Ben Healy. "MVDP" a été l'un des principaux animateurs, si ce n'est celui en chef de cette première semaine. Vainqueur de la 2e étape sur le final escarpé à Boulogne-sur-Mer, le Néerlandais s'était emparé du maillot jaune, logiquement perdu trois jours plus tard sur le chrono de Caen. Qu'à cela ne tienne, l'ex-champion du monde est reparti de plus belle dans l'échappée du lendemain pour reprendre son bien pour une petite seconde ! Du panache sans limite, dont il a encore fait preuve lors de la neuvième étape vers Châteauroux, où il fut échappé du kilomètre 0 jusqu'à 800 mètres de l'arrivée, dans le seul but d'offrir le prix de la combativité à son coéquipier d'Alpecin-Deceuninck et compagnon d'échappée Jonas Rickaert, qui en rêvait.
Grand seigneur van der Poel, comme Ben Healy, le leader du classement général après dix jours de courses. L'Irlandais a été plus "sélectif" dans ses efforts. Mais quels efforts ! Le coureur d'EF Education - EasyPost s'est imposé en solitaire à Vire (6e étape) après avoir faussé compagnie aux autres fuyards à 42 kilomètres du terme. Il n'est pas allé au bout hier lundi vers Mont-Dore, mais sa débauche d'énergie permanente a écrémé l'échappée avant de lui offrir un maillot jaune mérité. Healy compte 29 secondes d'avance sur Tadej Pogacar avant la reprise mercredi autour de Toulouse.
Un début de Tour vitesse grand V
On promettait un début de Tour haletant, on n'a pas été déçu. Les petites côtes placées çà et là et le talent de nombreux cadors au départ ont rendu ces dix premières étapes échevelées. Sur la 9e étape, le peloton a tutoyé les records avec la deuxième étape de toute l'histoire du Tour à dépasser les 50 km/h de moyenne (50,013km/h). De telles pointes assurent le spectacle, mais attisent aussi la tension dans un peloton garni qui plus est par une 23e équipe cette année.
Le Tour va vite, très vite, et même trop parfois. Avec la nervosité vient son lot de chutes, certaines impressionnantes comme dans la descente de Mûr-de-Bretagne, à plus de 60 km/h vendredi, et qui a mis une dizaine de coureurs à terre. "On a couru en enfer aujourd'hui" réagissait Biniam Girmay (Intermarché - Wanty) après la 3e étape, qui a notamment vu le premier vainqueur de cette édition 2025, Jasper Philipsen, abandonner clavicule fracturée. "Je suis simplement heureux d'avoir fini l'étape en bonne santé, sans encombre. À chaque fois que j'entendais des chutes autour de moi, mon coeur montait à 300 pulsations." Les étapes de montagne devraient limiter ces chutes massives, mais sans doute pas la vitesse effrénée des leaders de ce Tour.
Les Français en demi-teinte
C'est l'histoire de la bouteille à moitié vide, ou à moitié pleine. Ce début de Tour de France est tout en contraste pour le cyclisme français. Et chacun y trouvera à redire sur le camp d'en face. Côté pile, un des grands bonhommes de ce début de Tour de France se nomme Kevin Vauquelin. Le leader d'Arkea - B&B Hotels a surfé sur sa très belle forme pour se montrer aux côtés des meilleures, avec quatre jours passés sur le podium. Le Normand a certes perdu du temps lors de la 10e étape, mais sa 6e place provisoire au général n'a rien de déshonorante, et son recul à venir en haute montagne devrait lui offrir plus de marge pour jouer une victoire d'étape. Il se frottera possiblement avec Lenny Martinez, maillot à pois lundi soir après une belle moisson pour la première étape de montagne.
Côté face, aucun Tricolore, ni même aucune équipe française ne s'est pour le moment imposé. Anthony Turgis (1re étape), Romain Grégoire (2e étape), et Bruno Armirail (5e étape) ont terminé au mieux au pied du podium. Et cela fait maintenant 22 étapes à cheval sur les éditions 2024 et 2025 qu'un coureur français n'a plus levé les bras, quatrième pire disette de l'histoire du Tour. Nous ne sommes pas encore sur une année sans bouquet comme en 1999. Mais il va falloir faire un peu mieux pour convertir les opportunités, qui pourraient être plus nombreuses dans de futures échappées.
Les sprints et les étapes de plaine menacés ?
Le Tour de France, comme toutes les courses à étape à vrai dire, a eu le droit à son petit lot de procession dans les rares étapes toutes plates de cette première semaine. Qui dit rares dit précieuses pour les équipes de sprinteurs. Celles-ci ont tellement cadenassé la course sur la route vers Laval lors de la 8e étape qu'ils n'étaient que deux hommes à l'avant, Mathieu Burgaudeau et Mattéo Vercher (TotalEnergies), sans espoir de l'emporter. Et si le numéro magnifique du duo d'Alpecin-Deceuninck van der Poel - Rickaert a rendu fou le final de l'étape du lendemain vers Châteauroux, ces étapes sans fuyards ont fini par agacer les organisateurs.
"C'est triste de voir un peloton défiler pendant 180 kilomètres", s'est emporté le directeur de l'épreuve Thierry Gouvenou, alors que le prix de la combativité n'a même pas été attribué lors de la 3e étape, faute de candidats. "Les équipes de sprinteurs sont en train de couper la branche sur laquelle elles sont assises. On ne pourra pas continuer d'avoir un tel spectacle (…) Il n'y aura plus d'étape dites 'de sprinteurs', à terme." Ce serait dommage, alors que le duel entre Tim Merlier (Soudal Quick-Step, vainqueur des 3e et 9e étapes) et Jonathan Milan (Lidl-Trek, vainqueur de la 8e étape et maillot vert) offre des arrivées de belle facture.