C’était Pape Diouf
Il fut journaliste sportif, agent de joueurs, puis président de l’OM et candidat à la mairie de Marseille. Portrait, de Pape Diouf, décédé des suites du Covid-19 ce mardi 31 mars à Dakar.
L’ensemble du football français pleure Pape Diouf ce mercredi. Ce président « respecté et respectable » comme l’affirme Jean-Michel Aulas a marqué le football français de son empreinte. À la tête de l’OM, Pape Diouf aura su redresser économiquement et sportivement l’une des plus grandes institutions du sport hexagonal. Mais il aura surtout gagné le cœur du peuple marseillais, mais aussi de l’ensemble du football français.
Avant l’OM
Né au Tchad le 18 décembre 1951, Pape Diouf passe toute son enfance au Sénégal et plus précisément à Dakar. À 17 ans, son père décide de l’envoyer à Marseille afin de poursuivre ses études, l’histoire d’amour entre le géant de Dakar et la cité phocéenne peut enfin démarrer. Tout d’abord journaliste à La Marseillaise, il est chargé de suivre les aventures de l’Olympique de Marseille pendant une bonne dizaine d’années durant les années 80. Très apprécié dans le milieu du football, le journaliste décide de devenir agent de joueurs au début des années 1990. Parmi ses joueurs les plus célèbres, on retrouve des stars comme Marcel Desailly, Bernard Lama, Grégory Coupet, Didier Drogba ou encore Samir Nasri.
Le Pape Diouf 1er
Le 6 janvier 2005, Pape Diouf est nommé président de l’Olympique de Marseille. Il devient ainsi le premier président noir d’un club de football européen. Un combat de tous les jours pour le Marseillais d’adoption qui déclarait en 2018 qu’il fallait « combattre ce complexe de percussion » et que les personnes noires « doivent montrer que certaines places leurs appartiennent ». À ce jour Pape Diouf est toujours l’unique président de couleur à avoir exercé en Europe.
L’OM retrouve les « sommets » à sa tête
Durant son mandat, Pape Diouf n’a pas réussi à garnir l’armoire à trophées du club olympien. L’essentiel n’est pas là, surtout pour les supporters marseillais qui admettent ouvertement que Pape Diouf leur a redonné de la fierté et des étoiles dans les yeux. À sa tête, l’OM se qualifiera pendant trois années consécutives pour la Ligue des Champions. Une performance inégalée depuis son départ. Le club phocéen finit deuxième lors de la saison 2006-2007 et troisième en 2007-2008, mais c’est la saison 2008-2009 qui restera gravée à jamais dans les mémoires. L’équipe coaché par Éric Gerets mènera un combat de titans face aux Girondins de Bordeaux de Laurent Blanc. À la lutte jusqu’à la dernière journée pour le titre de champion de France, l’OM échouera à trois petits points du champion bordelais. Une blessure qui vient s'additionner aux deux défaites en finale de Coupe de France en 2006 (contre le PSG) et en 2007 (contre Sochaux).
Le sens de l'anticipation
À la tête de l’OM, Pape Diouf a su réinventer le club olympien. Au milieu des années 2000, Marseille doit trouver un nouveau moyen de redevenir compétitif sur le plan national. Pape Diouf décide alors de miser sur une politique de post-formation. L’idée est de recruter de jeunes joueurs professionnels venant d’autres clubs français ou européens. Cette philosophie permettra à des joueurs comme Mathieu Valbuena, Taye Taiwo, Steve Mandanda de rallier la Canebière avec le succès qu’on leur connait. D’illustres anciens laisseront leur empreinte lors du mandat Diouf à l’OM. Parmi eux on peut citer des joueurs comme Franck Ribéry, Mamadou Niang, Lorik Cana ou Djibril Cissé. Malgré son limogeage à l’été 2009, Pape Diouf était à l’origine des arrivés de Lucho Gonzalez, Souleymane Diawara, Gabriel Heinze, Stéphane Mbia, mais surtout celle de Didier Deschamps qui prendra place sur le banc de l’OM à partir de la saison 2009-2010. Un recrutement 5 étoiles qui permettra à l’équipe marseillaise de réaliser le doublé Coupe de la Ligue - Championnat après 17 ans de disette.
Passes d’armes
De Pape Diouf nous retiendrons aussi ses nombreuses passes d’armes avec ses adversaires. Le 3 mars 2006, mécontent du quota de places réservé aux supporters marseillais au Parc des Princes, Pape Diouf décide d’envoyer la réserve olympienne pour affronter le PSG (0-0). Une décision forte qui marquera les esprits et qui écrira une page de plus dans la folle histoire du Classico français. Quelques mois plus tard, c’est Jean-Michel Aulas qui se dresse face au président marseillais. Et la brouille entre les deux hommes se cristallise autour de Franck Ribéry. Alors qu’il évolue à l’OM, et à quelques jours du début de la Coupe du Monde 2006, Franck Ribéry semble déterminé à quitter le sud de la France afin de rallier l’Olympique Lyonnais qui le désire ardemment. Une attitude qui ne plait pas au néo-Marseillais qui saisira la commission sur les sollicitations « irrégulières » du club rhodanien auprès du milieu de terrain. Aulas était en effet entré en contact avec l’international tricolore sans en avertir l’OM, ce qui est interdit par le règlement de la Ligue. L’ancien dirigeant de l’OM a révélé en 2016 à RMC comment il a empêché son joueur de quitter Marseille. Alors que Ribéry semblait intéressé par le projet de l’Olympique Lyonnais, Diouf n’a pas hésité à verrouiller l’ex-international français : « Je lui ai dit : "Franck il parait que tu veux me voir. J’ai deux choses à te dire, la première c’est que si on me donnait une indemnité comme jamais l’OM n’en a touché dans son histoire tu ne partiras pas et la deuxième chose, et que si tu ne veux pas jouer tu joueras en réserve" ». Finalement, Franck Ribéry s’envolera au Bayern Munich un an plus tard.
Une relation fusionnelle avec ses supporters
Si les résultats plaidaient en sa faveur, Pape Diouf était surtout apprécié pour sa complicité et sa bienveillance envers ses supporters. Deux épisodes reviennent en mémoire dans l’histoire commune de Pape Diouf et des fans de l'OM. Le 23 août 2008, un bus de supporters marseillais qui se rendait au Havre pour assister à la rencontre HAC-OM est victime d’un accident de la route. Deux supporters décèdent sur le coup. Très affecté par la nouvelle, Pape Diouf se rendra quelques heures au pied de la tribune visiteuse du stade Jules-Deschaseaux, afin de communier toute sa peine et sa douleur aux supporters marseillais. L’autre épisode se déroule quelques semaines plus tard, lors d’un match de Ligue de Champions. Ce jour-là, l’OM se déplace sur le terrain de l’Atlético Madrid. Dans la tribune où sont parqués les fans de l’OM, le match a été violent. Les forces de l’ordre ont chargé les Marseillais. Qui ont riposté en bombardant les policiers de projectiles improvisés. Un homme est désigné comme responsable selon les forces de l’ordre espagnoles. Il s’agit de Santos Mirasierra, membre et porte-voix du Commando Ultra 84, le plus ancien groupe de supporters marseillais. Emprisonné en Espagne, le supporter marseillais devient une icône du monde ultra malgré lui. Pendant deux mois, le Stade Vélodrome hurlera en chœur « Libérez Santos ! » à chaque match de l’OM. Un cri repris par les kops ultras de — presque — toute l’Europe jusqu’à sa libération sous caution, le 9 décembre 2008. Le président olympien de l’époque, Pape Diouf, saisi par l’injustice faite à Santos, affrétera un avion privé pour le rapatrier. Un geste qui vaudra à Pape Diouf d’être adulé à tout jamais dans l’ensemble des quatre tribunes de l’Orange Vélodrome.