Championnats du monde de cyclisme : l'ogre Pogacar
Les championnats du monde de cyclisme débutent ce 21 septembre pour une semaine à Kigali, où Tadej Pogacar tentera de défendre son titre sur route et de briller sur le contre-la-montre.
Quoi de mieux qu'un contexte historique pour réussir une performance unique en son genre ? Les Championnats du monde de cyclisme auront lieu pour la première fois en Afrique, autour de la capitale rwandaise Kigali, de ce dimanche 21 au dimanche 28 septembre. La course s'annonce passionnante, tant par son caractère inédit que pour son parcours, semé d'embûches. Le genre qu'apprécie Tadej Pogacar, en quête d'un doublé, ou plutôt de deux doublés. Le Slovène va tenter de conserver son trône sur la course en ligne, et à la fois de conquérir celui du contre-la-montre.
Le parcours accidenté de Kigali semble fait pour devenir le théâtre d'un pareil exploit. Impressionnant quand la route s'élève, Pogacar impressionne presque autant sur les cols d'une heure que sur les côtes sèches aux pourcentages infernaux qu'offrent les Flandriennes. Le décor en sera bien éloigné, mais pas les qualités requises tant les bosses nerveuses vont s'enchaîner autour de Kigali, surnommée "la terre des mille collines".
Une course en ligne façon Liège-Bastogne-Liège… mais en altitude
5 475 mètres de dénivelé, et un point culminant avoisinant les 1 800 mètres, il faudra être un montagnard pour espérer se parer du maillot arc-en-ciel. Qui d'autre que Tadej Pogacar pouvait être le favori quand la route se cabre et qu'il faut faire parler son explosivité ? Le tenant du titre ne pourra peut-être pas s'offrir un show de 100 kilomètres en solitaire ou presque comme à Zürich l'an passé. Mais dimanche 28 septembre, les 15 tours du circuit dans Kigali et ses 35 montées en 268 kilomètres, façon essoreuse, seront autant d'opportunités pour Pogacar de mettre ses adversaires dans le rouge.
Histoire de durcir un peu plus la course, "Pogi" pourra aussi tirer avantage des 17 passages pavés répartis entre la côte de Kimihura et le Mur de Kigali, 400 mètres infernaux tout en pavés irréguliers à 11 % de moyenne. "C'est comme Liège-Bastogne-Liège mais avec des pavés", a résumé Biniam Girmay, le maillot vert érythréen du Tour de France 2024, habitué de ces routes lors du Tour du Rwanda. "Cela ressemble aux montées de Liège-Bastogne-Liège, qui sont plus longues, celles-ci sont plus courtes mais plus pentues et avec les pavés, mais aussi avec des routes techniques. Donc en résumé, c'est très technique et intense pendant 260 kilomètres, et vous êtes en altitude."
Un Liège-Bastogne-Liège, remporté trois fois par Tadej Pogacar, dont les deux dernières éditions, sur des routes en hauteur, là où il a déjà glané cinq Grands Tours dont quatre Tour de France : on pourrait presque croire que le tracé a été fait pour le Slovène. Là où d'autres ont préféré passer leur tour. Plus que la liste des présents, celle des absents est une raison de plus pour Pogacar de croire en ses chances. Il n'aura pas à s'escrimer contre son plus grand rival Jonas Vingegaard, qui a finalement décidé de se retirer de la course. Les spécialistes des classiques Wout van Aert et Mathieu van der Poel, prédécesseur de Pogacar à porter le maillot arc-en-ciel, n'ont pas fait le voyage eux non plus. "Cette année sera plus difficile que l'année passée, parce que toutes les équipes nationales n'attaqueront que nous" a toutefois craint le sélectionneur slovène Uros Murn à la télévision nationale de son pays mercredi.
Un passage par le Québec pour se remettre en selle
La traditionnelle malédiction du paletot irisé n'a pas semblé toucher Pogacar, auteur d'une saison 2025 à peine moins bonne que celle de 2024 : un quatrième Tour de France remporté haut la main, le Tour des Flandres, Liège-Bastogne-Liège, la Flèche Wallonne ou encore les Strade Bianche… Sur les courses d'un jour, la moisson du Slovène est une nouvelle fois stratosphérique : neuf départs, huit podiums et quatre victoires. Le coureur UAE Team Emirates - XRG aurait même pu en ajouter une cinquième dimanche dernier, mais a préféré faire briller son coéquipier Brandon McNulty alors qu'il avait fait la différence seul pour s'isoler en tête du Grand Prix de Montréal. Question envie et forme, pas de doute, Tadej Pogacar est bel et bien encore au sommet après la lassitude affichée en juillet sur la Grande Boucle.
"Avant d'arriver au Canada, j'étais un peu inquiet parce que ma forme n'était pas géniale" a-t-il révélé après sa deuxième place. "J'ai été malade toute la semaine avant de venir ici. Je n'ai pas pu faire tout mon programme d'entraînement. C'est pour cela que j'avais un peu d'appréhension. Au Québec (le Grand Prix de Québec avait lieu deux jours plus tôt, terminé à la 29e place), mes jambes n'étaient pas bonnes mais j'avais bien couru et j'avais retrouvé du rythme. A l'entraînement et sur cette course, j'ai regagné ma motivation et ma confiance."
"Notre objectif premier sera évidemment de répéter le même succès que l'année dernière" a envisagé le sélectionneur Uros Murn. "Tout ce qui viendra avec sera simplement du bonus, nous ne devons pas être gourmands."
Vers un duel avec Remco Evenepoel dès dimanche
La gloutonnerie est un trait de caractère qui colle pourtant bien à la peau de Tadej Pogacar. Et elle pourrait débuter dès ce dimanche avec le contre-la-montre, prévu le jour de son 27e anniversaire. Pogacar n'a jamais brillé dans cet exercice lors des Mondiaux, tout du moins pour ses standards : 6e en 2022, 10e en 2021 et même 21e en 2023. Il avait fait le choix la saison dernière de ne pas s'aligner, et mieux se réserver pour la course en ligne. Cette fois, le parcours sélectif de 41 kilomètres représente peut-être sa meilleure chance d'un jour devenir champion du monde du chrono.
Le Slovène devrait principalement faire face à un autre phénomène, Remco Evenepoel, vainqueur des deux dernières éditions. Le futur coureur de la Red Bull - Bora - hansgrohe n'a pas caché son ambition, lui aussi vient à Kigali pour "gagner le plus de maillots possibles" a-t-il clamé à Sporza. "Quand Pogacar focalise son esprit sur quelque chose, c'est un signe qu'il se sent prêt pour cela. J'ai hâte de cette bagarre. J'espère qu'elle ne sera pas serrée, mais il sera un concurrent supplémentaire sympa."
Pour un exploit jamais vu dans l'histoire du cyclisme
Evenepoel partira favori, mais les circonstances pourraient rendre ce contre-la-montre très ouvert. Le Belge est quasi intouchable sur les terrains plats ou avec un peu de bosse. Quand la route s'élève, sa puissance se nivelle par rapport aux grimpeurs d'exception comme Tadej Pogacar. Quatre côtes sont au programme lors des 41 kilomètres du parcours dont la redoutable côte de Kimihura, 1,3 kilomètre pavé à 5,9 % de moyenne (des passages à 10,4%) juste avant l'arrivée, mais surtout après déjà 40 kilomètres d'effort.
Les 758 mètres de dénivelé positifs ne jouent pas en la faveur de Remco Evenepoel, qui n'a jamais gagné en carrière au-delà des 600 mètres de dénivelé. Son dernier résultat ? Une 12e place et un final proche de la perdition lors du dernier Tour de France, et la 13e étape remportée par… Pogacar. Le Slovène a remporté cinq des six chronos dans sa carrière avec un tel dénivelé. De quoi rêver de succéder à Evenepoel comme dernier coureur à avoir décroché le maillot arc-en-ciel de l'épreuve chronométrée et celui de la course en ligne, une performance que seul Abraham Olano a réussi par le passé. Mais ni l'Espagnol, ni le Belge ne sont parvenus à remporter les deux courses la même année.