Test-match : L'Irlande se paie les All Blacks !
L'Irlande a battu pour la première fois à domicile les All Blacks (16-9) dans un Aviva Stadium en surchauffe ! Un seul essai a été marqué lors de ce choc.
Sous les yeux de Michael D.Higgins, leur Président de la République, les Irlandais ont disposé des All Blacks ce soir à Dublin. Par la même occasion, ils confortent leur place sur le trône des terres du Nord. La meilleure équipe de notre hémisphère a arraché son premier succès à domicile face aux Blacks depuis 1905. Certes, le score fut étriqué mais le match, lui, fut gigantesque. Les All Blacks, peu habitués, à une telle adversité ont d’entrée subit les assauts Irlandais : Rigoureux en défense, toujours prompts à débloquer les situations offensives, les Gilets Verts du Coach Joe Schmidt se voient récompensés à la 10e minute par une pénalité réussie de Jonathan Sexton 3-0. Le combat est terrible dans cette première mi-temps. La virtuosité des joueurs du Pacifique est soutenue par le courage et la rudesse des Irlandais. Le match le plus attendu de l’année tient ses promesses. L’Aviva Stadium de Dublin se tient prêt à l’exploit et entonne déjà le « Field of Athenry » déchirant le cœur des supporters et des commentateurs de beIN SPORTS par sa poésie désespérée. Dans ce match serré et engagé à l’extrême, les Irlandais commettent peu de fautes. Sauf sur ce ballon enterré qui permet à Beauden Barrett de remettre les deux équipes à égalité 3-3 (17e).
Jamais rassasiés, les Irlandais veulent se montrer maîtres chez eux.
Imitant le charbonnier qui veut l’être chez lui, ils mettent à l’agonie la mêlée néo-zélandaise grâce à un paquet d’avants remonté comme un supporter à qui l’on aurait dit qu’il n’y a plus une bière à boire dans toute la bonne ville de Dublin. Cette colère juste débouche sur deux occasions d’essais pour les Irish à la 25e par le grand Devin Toner et par CJ Stander (26e). Les deux finissent dans l’en-but mais sans aplatir. La pression finit par payer toutefois car Sexton dans la foulée (27e) ajoute trois points de plus pour le XV du Trèfle. Mais le propre du All Black est de ne jamais baisser les bras : Beauden Barrett, gendre idéal de tous les amateurs de rugby, passe un drop avec l’assurance d’un Champion du Monde, 6-6 (29e).
Vous allez me dire que cela ne fait pas beaucoup de points pour un match au sommet ? Et bien je vous dirai, que ce n’est pas complètement faux. Mais il y a une raison à cela : Les défenses. Le ministre de La Défense Néo-zélandais s’appelle Ardie Savea. Pour être hardi, il est hardi, sabrant dans la meute verte les jeunes pousses qui ont l’outrecuidance de porter le ballon sur l’herbe de l’Aviva Stadium. Il est partout Savea : Rempart contre les ballons portés, à l’assaut de la ligne d’avantage. Seul Peter O’ Mahony, le colosse irlandais, lui rend la pareille dans ce match de géants. Juste avant la mi-temps après une nouvelle épreuve de force en mêlée fermée ou le piler néo-zélandais Tu'inukuafe se fait plier sa moustache de gendarme, Jonathan Sexton passe une nouvelle pénalité, 9-6 (39e). A la mi-temps, les deux équipes rentrent même au vestiaire au pas de course.
Les hommes en noir reviennent sur la pelouse les premiers et font cercle, souriants. Les rires seront de courte durée : 47e minute, le tournant du match sans conteste : Bundee Aki (néo-zélandais de naissance, ancien caissier de banque repêché par Tana Umaga en championnat régional kiwi) endosse le rôle du parfait faux-frère : Le joueur irlandais du Connacht renverse et sert Jacob Stockdale qui d’un coup de pied par-dessus le rideau défensif, désorganise les All Blacks et un rebond plus tard aplatit le premier essai du match. Quel exploit du jeune joueur de Belfast ! Les All Blacks sont tout attrapés par l’audace de l’ailier irlandais. Jonathan Sexton passe la transformation, 16-6 (49e). L’Aviva Stadium est en feu. Sous la baguette de Kieran Marmion, le demi de mêlée, confortés par les relances de Rob Kearney et les courses sûres de Gary Ringrose, les Irlandais pensent tenir un exploit.
A plus dix à 20 minutes de la fin, Peter O’ Mahony réalise le geste du match. Un geste défensif qu’il paiera plus tard en quittant la pelouse. Et encore plus tard, dans ses vieux jours car comme tous les avants de devoir, il ne fera pas un beau vieux : Mettant son corps en opposition et en location à durée indéterminée à la science, il récupère un ballon décisif toujours aidé par le puissant Stander. Bref, la standing ovation (64e) qui accompagne la sortie du vieux soldat O’Mahony témoigne de la parfaite connaissance du jeu de ce public et de la reconnaissance due à ses héros. Le niveau d’intensité est rarement vu. Les All Blacks du jour ne veulent pas être la première équipe à la Fougère à tomber à Dublin. Ils redoublent de puissance et de maîtrise autour de TJ Perenara leur demi de mêlée remplaçant. Les dernières minutes vont être dures pour les Irlandais. Vont-ils réussir à soutenir le siège imposé par les Néo-zélandais ?
A ce stade du récit où l’incertitude nous ronge, nous allons faire une pause : Souvenez-vous que ces All Blacks n’ont pas perdu contre les Irlandais à Dublin depuis 1905. Oui 1905. Cela fait une paye. C’était l’époque où l’on roulait encore en calèche dans Dublin et où les hommes portaient des casquettes de laine comme les Shelby dans Peaky Blinders.
Nous sommes de retour à l’Aviva Stadium pour un moment de frisson à Dublin : L’ouvreur des All Blacks Beauden Barrett (69e) passe 3 points mérités qui ramènent les siens à sept points soit la valeur d’un essai transformé. Là, on ne rit plus. Certains évoquent même la tragédie de la grande famine du début du XXe siècle. C’est la panique qui s’empare des supporters verts. « Tu vas voir qu’on va perdre ce match sur le fil ou faire match nul comme en 2013 ! » dit David Mc Lennan à son épouse Sally, installés Tribune C au Rang 26 places 132 et 133. Celle-ci déjà ivre, ne pipe mot et plonge le nez dans sa bière noire pour conjurer la terrible prophétie de son époux.
Les dix dernières minutes sont terribles : En cabine, Dimitri Yachvili agite une relique de Saint-Patrick pour que les joueurs de Joe Schmidt ne commettent pas de faute stupide précipitant une égalisation des All Blacks. Mais allez savoir, est-ce le souvenir du saint-patron du pays et des cafetiers de province ? Est-ce le fameux « fighting spirit » proverbial du XV du Trèfle ? Est-ce le visionnage de la fin de match comique des Français la semaine dernière face aux Springboks qui les inspirent ?
Quoi qu’il en soit, les Irlandais débordent encore d’énergie, plaquent à tour de bras. Imposent même une dernière séquence défensive cruciale aux All Blacks qui finiront par laisser échapper un ballon après la 80e minute. Jusqu’au bout, les Irlandais auront vacillé mais sans jamais céder.
Le match est terminé. Les Néo-zélandais champions du Monde sont vaincus, 19-6. Au terme d’une partie haletante de bout en bout, les Irlandais ont frappé un grand coup. Ils se positionnent (après leur succès dans le dernier tournoi des 6 Nations) comme l’un des favoris au titre lors de la prochaine Coupe du Monde au Japon. Kieran Read, le capitaine All Black, reconnaîtra à l’issue de la partie que l’épreuve infligée par les Géants Verts conjuguée au soutien indéfectible de ce public enflammé ferait date dans l’histoire du rugby et que par ailleurs, il était bon d’en avoir été acteur ou témoin. Nous, nous en étions les témoins ce soir et nous en sommes très heureux.
Par Rodolphe Pires