Gourvennec et Bordeaux, clap de fin
La nouvelle est tombée hier matin vers 10h via un bref communiqué. Une décision qui surprend peu de monde, elle était attendue depuis quelques semaines déjà.
Depuis la cinglante défaite au Parc des Princes le 30 septembre 2017 (6-2), Bordeaux est en chute libre au classement. Avec seulement 8 points pris sur 45 possibles (11 défaites, 2 nuls et 2 victoires en 15 matchs joués), soit la plus mauvaise passe de toute l’histoire du club, la situation de l’entraîneur devenait chaque jour un peu plus fragile. La défaite mardi contre Caen (0-2) aura donc scellé son sort.
Des débuts prometteurs
Pourtant, à son arrivée à l’été 2016, le breton avait suscité énormément d’engouement : supporters ou médias, tout le monde saluait la bonne décision prise par les Girondins d’engager un tel entraîneur. Les supporters bordelais, eux, avaient vécu une fin de saison extrêmement compliquée avec des résultats catastrophiques qui avaient précipité l’éviction de Willy Sagnol. Cette année-là, pour la première fois depuis des années, Bordeaux se classait au-delà de la 7ème place en Ligue 1. Il fallait du changement et de la fraîcheur.
Jocelyn Gourvennec est arrivé en Gironde auréolé de son excellent travail avec l’En Avant de Guingamp pendant 6 ans et la réputation d’être un coach aimant le jeu. Il représentait une nouvelle génération d’entraîneurs français. Et la première année a donné raison à ses dirigeants. Malgré une période difficile au mois de décembre, les Girondins avaient réussi à se re-mobiliser pour terminer la saison en boulet de canon. Sur la phase retour, au nombre de points pris, ils étaient troisièmes, juste derrière Monaco et le Paris Saint-Germain. De plus, grâce à la victoire de ce dernier en Coupe de France, ils ont accédé aux barrages de Ligue Europa. Dans la foulée, satisfait du travail accompli, Bordeaux a prolongé son coach de 2 ans jusqu’en 2020.
Cédric Carrasso, le premier accroc d’une longue série ?
L’une des premières décisions fortes de Jocelyn Gourvennec au club, appuyée par ses dirigeants, fut de laisser partir le gardien emblématique du club depuis 8 ans, Cédric Carrasso. Au club depuis 2009, l’ancien Marseillais souhaitait prolonger l’aventure en Gironde mais, à cause de son âge et de ses nombreuses blessures, le club a choisi de miser sur un autre gardien : Benoit Costil. Ce choix a été mal vécu par la plupart des supporters, très attachés à Carrasso. Peu de temps après, en juillet, les Girondins se sont faits éliminer face à Videoton et ont donc quitté la Ligue Europa avant même de l’avoir jouée.
Après Costil, plusieurs joueurs sont venus garnir les rangs bordelais : Otavio, Cafu, Vukasin Jovanovic, Lukas Lerager, Youssouf Sabaly, Matheus Pereira (prêt de la Juventus), Alexandre Mendy et enfin Nicolas de Préville. D'autres ont également quitté le club : Nicolas Pallois, Thomas Touré, Enzo Crivelli, Frédéric Guilbert, Younes Kaabouni, Mauro Arambarri et Diego Rolan. Tous étaient des choix de Jocelyn Gourvennec.
Son projet était de faire redescendre Jérémy Toulalan en défense centrale et de l’associer au jeune Vukasin Jovanovic afin de gagner en qualité au niveau de la relance. Premier mauvais choix puisque cette défense a rapidement cédé, pour finir par s’ouvrir totalement devant Martin Terrier lors de l’humiliation subie contre Strasbourg à domicile (0-3). Depuis, le jeune Serbe n'a plus quitté le banc de touche. A côté de ça, il s'est délibérément privé d’un joueur expérimenté, Igor Lewzcuk, et d’un jeune prometteur qui commençait à frapper à la porte, Jules Koundé (titulaire sur les trois derniers matchs des Girondins).
Au milieu, il a axé son recrutement sur son sytème (4-3-3), qui avait si bien fonctionné lors des 6 derniers mois, empilant donc les milieux de terrains costauds au détriment de la créativité. Fin du milieu Toulalan-Sankharé-Vada, place à Sankharé-Lerager-Otavio. Encore une fois, ça n’a pas fonctionné. Malgré de bons débuts, Lukas Lerager s’est essoufflé, tout comme Sankharé qui avait pourtant très bien commencé. Pour ce qui est de l’attaque, Laborde a été mis sur le banc sans réelle explication au profit de Nicolas de Préville, qui n’a marqué qu’un seul but depuis son arrivée. Troisième déconvenue.
Pendant longtemps, Jocelyn Gourvennec n’a rien changé, ni son sytème, ni les joueurs. Néanmoins, les mauvais résultats l’ont poussé à revoir sa copie et il a commencé à chercher des solutions sans jamais les trouver. En définitive, à l’exception d’Otavio et de Matheus Pereira, que l’on n'a pas vu jouer chez les professionnels, tous les recrutements et choix estivaux du coach bordelais se révèlent être des échecs. Alexandre Mendy est un cas à part, car il s'est rapidement blessé et sa saison est déjà terminée.
La gestion des Girondins en question
Il serait cependant injuste de faire porter à Jocelyn Gourvennec l’entière responsabilité de la crise qui agite les Girondins depuis 3 mois. Même s’il a choisi les joueurs, il n’était pas le seul à décider. Les décisions se prenaient à trois avec le président Stéphane Martin et le directeur sportif Ulrich Ramé. Ce dernier voulait d'ailleurs engager Luuk De Jong mais l’actionnaire majoritaire du club, par l’intermédiaire de Nicolas de Tavernost, a choisi de soutenir son entraîneur qui voulait faire signer Nicolas de Préville. Stéphane Martin et Ulrich Ramé ont donc validé ce recrutement.
Alors que la crise grossissait au même rythme que les résultats enfonçaient l’équipe dans le bas du classement, on a trouvé Jocelyn Gourvennec bien seul face aux médias. A part son président, personne n’est venu le défendre ou le soutenir. On pense en premier lieu à Ulrich Ramé, membre actif du recrutement mais qui ne s’est jamais exprimé. Récemment, Willy Sagnol, ancien entraîneur de Bordeaux, est venu achever les dirigeants bordelais, déjà dans une situation très délicate, en déclarant : « moi je l’ai vécu à Bordeaux, tu n’as pas d’aide, tu es vraiment tout seul (…) Le Haillan il n’y a pas pire pour un joueur de foot. » Rien ne va plus, mais ce n’est pas la première fois. Nombreux sont ceux, anciens joueurs ou coachs, à vivement critiquer la gestion des Girondins de Bordeaux depuis des années.
Force est de constater que les faits leur donnent raison. Si on fait le bilan des entraîneurs qui se sont succédés à Bordeaux depuis Laurent Blanc, on trouve d’étonnantes similitudes sur leurs fins de parcours aux Girondins. Que ce soit Francis Gillot, Jean Tigana ou Willy Sagnol, l’histoire s’est toujours plus ou moins mal terminée. En 8 ans, les Girondins de Bordeaux viennent de voir passer 4 coachs différents et à chaque fois, on a l’étrange sensation que l’histoire se répète, sans fin, et surtout sans qu'aucune leçon ne soit tirée des échecs successifs.
Jocelyn Gourvennec vient d’ajouter son nom à la liste des entraîneurs qui sont venus se casser les dents sur le Château du Haillan. En attendant la nomination de son successeur (les rumeurs évoquent le Belge Michel Preud’homme), c’est Eric Bédouet, préparateur physique et ancien de la maison, qui prendra en charge le groupe professionnel. On ne sait pas encore qui sera sur le banc pour le déplacement à Nantes samedi (17h) mais une chose est sûre, un immense travail l’attend pour redresser l’équipe et éviter à un des plus anciens club de Ligue 1 de vivre, pour la deuxième fois de sa vie, les affres d’une descente en deuxième division.
ClampTrc (@Clamp_Trc)
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