Quelle saison 2018 pour les équipes françaises ?
Alors que les premiers tours de roue de la saison ont lieu dans le cyclisme professionnel, l’année 2018 s’annonce palpitante pour les équipes françaises. Petite revue d’effectif...
AG2R-La Mondiale, le nouveau statut à assumer
Grâce à Romain Bardet sur les courses par étapes et Oliver Naesen sur les classiques flandriennes, les Terre et Ciel ont prouvé qu’ils n’avaient plus à rougir face aux grands noms du cyclisme mondial. C’est dans cette optique que le recrutement a été mené d’une main de maître avec les apports de Clément Venturini, Silvan Dillier et Tony Gallopin. Excusez du peu.
Le premier, spécialiste du cyclocross, va tenter de confirmer le potentiel aperçu du côté de la Cofidis avec qui il a notamment remporté les Quatre Jours de Dunkerque. Le champion de Suisse, pour sa part, est un excellent rouleur qui passe bien les bosses comme le soulignent ses victoires au général de la Route du Sud ou sur un final pour costaud lors du dernier Tour d’Italie. Enfin, il est inutile de présenter l’ancien de la Lotto-Soudal, maillot jaune sur le Tour 2014 et ancien vainqueur de la Clasica San Sebastian, que l’on pourrait voir jouer sa carte pour Paris-Nice ou les championnats de France.
L’avantage de la paire Dillier-Gallopin, c’est qu’elle saura se montrer indispensable à la fois pour accompagner Naesen à travers monts et pavés et escorter Bardet des étapes de plaine piégeuses jusqu’aux plus grands cols français. Autre avantage non-négligeable, leurs qualités en contre-la-montre qui pourraient permettre d’améliorer grandement les performances sur le chrono par équipe, si toutefois les hommes de Vincent Lavenu se décident à travailler sérieusement l’exercice.
L’Italien Domenico Pozzovivo parti vers d’autres horizons, il semble évident que l’équipe va tout miser pour les grands tours et les classiques vallonnées pour son leader auvergnat, avec pourquoi pas quelques coups d’éclat de ses compatriotes Pierre Latour ou Alexis Vuillermoz quand les circonstances s’y prêteront. Vu qu’il semble encore délicat d’espérer une victoire finale sur la Grande Boucle, on peut au moins souhaiter au Brivadois de renouer encore et encore avec le podium final.
Quant au champion de Belgique, on peut carrément miser sur au moins un bouquet glané lors d’une belle course du Nord, tant il a su démontrer la saison dernière qu’il pouvait tout à fait concurrencer les ténors que sont Peter Sagan, Greg Van Avermaet ou encore Philippe Gilbert.
Cofidis, la révolution Vasseur
Malgré un statut d’équipe réputée et un nombre conséquent de victoires chaque saison, la structure nordiste peine à retrouver son lustre d’antan, comme à ses plus beaux jours au tournant du siècle. C’est probablement face à cet état de fait que les dirigeants de la société de crédit ont fait le choix d’écarter le manager Yvon Sanquer et de confier l’équipe à un local et ancien de la maison, Cédric Vasseur. Maillot jaune et vainqueur d’étapes sur le Tour, l’ancien coureur jouit d’une certaine aura auprès des suiveurs, de part également son passé de consultant TV apprécié et de président de l’association internationale des coureurs cyclistes professionnels.
L’ancien de la Quick Step aura notamment pour mission de faire franchir un nouveau palier à l’omnipotent Nacer Bouhanni, plus gros salaire du cyclisme français et qui bénéficiait jusque-là d’un statut d’intouchable, profitant même d’un effectif bâti principalement autour de lui. Le nouveau manager n’a d’ailleurs pas attendu bien longtemps pour mettre la pression sur le vosgien et remettre quelque peu en cause son leadership. L’ancien de la maison France Télévisions a certainement dans le viseur les expériences malheureuses de son nouveau poulain sur le Tour de France. A voir si celui-ci va pouvoir conjurer le sort dès cette année.
Outre la réussite de son sprinteur vedette, Cofidis veut vraisemblablement briller sur d’autres terrains. Malgré les départs des prometteurs Florian Sénéchal et Clément Venturini, les arrivées des frères José et Jesus Herrada font partie des mouvements les plus marquants de l’intersaison. Avec un nouveau statut, les deux Espagnols (et notamment le champion d’Espagne en titre, Jesus) tenteront de décrocher quelques belles victoires dans un style de puncheur-grimpeur qui manquait parfois à la formation rouge et blanche.
Enfin, il sera intéressant de suivre l’éclosion au plus haut niveau des jeunes pousses Anthony Pérez et Anthony Turgis. Avec leur profil passe-partout et encadrés par l’expérience des anciens de la Movistar, c’est peut-être l’année ou jamais pour franchir un cap supplémentaire et scorer encore davantage malgré leur jeune âge.
Delko-Marseille Provence-KTM, l’ambition de se montrer au niveau
C’est peu dire que les débuts en Continentale Professionnelle de l’équipe sudiste auront été des plus délicats. En 2016, il aura fallu attendre septembre et le Tour des Fjords pour la voir scorer grâce à Asbjorn Kragh Andersen, avant que le futur retraité Leonardo Duque ne remporte une étape et le général du Tour du lac Taihu en Chine au mois de novembre. En 2017, c’est tout l’inverse : lors d’un beau début de saison où les différents leaders se seront montrés, Mauro Finetto a fini par en claquer une belle sur la Classic Sud Ardèche, bonifiée deux jours plus tard par le sprint victorieux de Mikel Aristi sur la Tropicale Amissa Bongo. Nous sommes en février : ensuite, rideau.
Pour sa troisième année professionnelle, l’équipe aura forcément comme ambition d’améliorer ce maigre bilan. Et, tout en s’appuyant sur les cadres qui ont fait leurs preuves les années précédentes (Julien El Farès, Edvaldas Siskevicius, Delio Fernandez ou encore l’ex-futur retraité Rémy Di Grégorio), la structure a décidé de continuer son recrutement international. Si Mauro Finetto, Gatis Smukulis ou bien Angel Madrazo avaient rallié les Ciel et Blanc en 2017, ils seront rejoints cette année par l’Italien Iuri Filosi, le Polonais Przemyslaw Kasperkiewicz, l’Espagnol Javier Moreno, le Bulgare Nikolay Mikhaylov ou encore l’Australien Brenton Jones.
Un mélange de renforts d’expérience et de coureurs prometteurs qui, si la mayonnaise finit par prendre, pourrait rapporter quelques résultats salvateurs à la formation marseillaise.
Deux noms sortent plus particulièrement du lot : Brenton Jones, sprinteur de son état, s’est montré particulièrement prolifique les saisons précédentes sur les courses par étapes du calendrier asiatique. Javier Moreno, trentenaire passé par la Movistar ou Bahrain-Mérida, sait lui aussi comment lever les bras. Très bon grimpeur, il a brillé sur les courses par étapes du calendrier espagnol et même sur le Tour Down Under.
Avec un recrutement solide, gageons que les provençaux sauront enfin tirer leur épingle du jeu et sortir de la torpeur à laquelle ils semblaient nous avoir quelque peu habitués ces derniers temps.
Direct Energie, la confirmation Calmejane
Thomas Voeckler à la retraite, Bryan Coquard parti rejoindre son ami Jérôme Pineau, l’équipe chère à Jean-René Bernaudeau tourne, à l’orée de la saison 2018, une page importante et prolifique de son existence. Si le départ du sprinteur de Loire-Atlantique va permettre à Thomas Boudat de prendre davantage la lumière, celui du coureur alsacien et vendéen d’adoption va lui marquer un tournant dans la carrière de Lilian Calmejane. Vainqueur sur la Vuelta en 2016, meilleur grimpeur de Paris-Nice et victorieux sur le Tour en 2017, l’albigeois a fait une entrée fracassante dans le monde professionnel avec déjà 8 victoires au compteur, dont 7 pour la saison écoulée.
C’est donc en toute logique que la formation vendéenne va faire de son jeune coureur son nouveau fer de lance, avec comme objectif principal de confirmer au haut niveau. En terme de victoires, il sera bien sûr compliqué de mettre la barre plus haute que la saison passée mais le tarnais aura à cœur de briller sur les classiques ardennaises et de bien figurer sur les épreuves d’une semaine, où son tempérament offensif devrait plus que jamais s’exprimer cette année.
Il est encore trop tôt pour savoir si Calmejane a les cannes pour jouer le général sur une course de trois semaines ou sur une épreuve World Tour d’une semaine, mais il peut être un sérieux protagoniste lorsqu’il faudra jouer la gagne dans un final difficile grâce à sa belle pointe de vitesse et sa faculté à bien passer les bosses.
A côté de ça, l’équipe qui a vu les retours de Jérôme Cousin et de Damien Cousin en son sein sera probablement fidèle à son état d’esprit combatif en toutes circonstances et aura quelques atouts pour se montrer sur les courses d’un jour (Adrien Petit, Sylvain Chavanel), prendre les échappées en montagne (Romain Sicard, la nouvelle recrue Rein Taaramäe) ou compter sur un puncheur (comme Jonathan Hivert) pour chasser les victoires de janvier à octobre.
Fortuneo-Samsic, la prise de risque de Barguil
Alors qu’il était encore trop méconnu du grand public malgré ses deux victoires et son top 10 sur la Vuelta, Warren Barguil a crevé l’écran l’été dernier avec deux impressionnants succès sur le Tour, magnifiés par le maillot à pois et le prix de super-combatif. Dans la foulée, il a annoncé rejoindre la structure d’Emmanuel Hubert dès 2018. Un choix étonnant pour le breton, alors qu’il semblait enfin s’épanouir au plus haut niveau et contribuer à l’exceptionnelle dynamique de la Team Sunweb, qui a vu Tom Dumoulin triompher sur le Giro et Michael Matthews s’éclater sur le Tour (2 victoires d’étape et le maillot vert).
« Wawa » a justifié son choix par l’envie de jouer les francs-tireurs encore quelque temps en visant les victoires d’étape plutôt que de se concentrer sur les classements généraux. On connaît le caractère bien trempé du morbihannais mais on peut tout de même s’interroger sur l’orientation donnée à sa carrière : ne pouvait-il pas espérer mieux ? Lui promet qu’il reprendra le chemin du World Tour d’ici quelques années avec l’objectif de briller dans les classements généraux.
En attendant, le natif d’Hennebont sera l’attraction de sa formation et lui offrira davantage de visibilité lors des grands rendez-vous. L’équipe bretonne va aussi apprendre à rouler pour un leader d’envergure et peut-être devoir prendre moins souvent l’échappée publicitaire de première semaine sur la Grande Boucle. Désormais appelée Fortuneo-Samsic, l’escouade a vu les départs de son sprinteur britannique Dan McLay, de son grimpeur argentin Eduardo Sepuvelda ou encore d’Arnold Jeannesson. Dans le même temps, elle a vu les renforts de Jérémy Maison, de l’expérimenté Amaël Moinard, équipier modèle des années durant chez BMC, et du Norvégien Sindre Lunke, qui retrouvera son ancien leader de la Sunweb.
Hélas, l’effectif parait insuffisant sur le papier pour accompagner un tel leader en toutes occasions mais Barguil visiblement n’en a cure. Attendons de voir s’il continue sur sa lancée de l’été dernier, lui qui devrait assurer à Fortuneo-Samsic d’avoir l’un des plus beaux calendriers de courses pour une formation de deuxième division. Toutefois, pas sûr que son équipe soit sélectionnée pour la Vuelta ou le Tour de Lombardie, des courses qu’il adore et où il a décroché de très bons résultats par le passé.
Groupama-FDJ, le leadership bicéphale à confirmer
Le principal changement dans la structure menée d’une main de fer par Marc Madiot se situe dans l’arrivée d’un nouveau sponsor, les assurances Groupama, qui se joignent à la FDJ pour offrir plus de moyens pour se développer et se mettre au niveau des grosses écuries du World Tour. Pour le reste, on prend (presque) les mêmes et on recommence.
Arnaud Démare et Thibaut Pinot en progression constante depuis plusieurs saisons et dans des domaines différents, l’équipe du trèfle poursuit l’idée de miser principalement sur ce duo pour continuer d’être l’une des équipes les plus prolifiques du peloton (27 victoires en 2017, 22 en 2016). Le train du sprinteur picard étant déjà bien rodé – l’ayant notamment conduit à ouvrir son compteur sur le Tour – et le groupe pour les classiques étant de plus en plus solide, sa garde rapprochée va être renforcée du Canadien Antoine Duchesne et du champion des Pays-Bas Ramon Sinkeldam. Ce dernier pourra jouer sa carte sur quelques courses en l’absence de Démare, un peu à l’image de Davide Cimolai la saison dernière (avec une victoire sur le Tour de Catalogne à la clé).
Du côté du grimpeur franc-comtois, on sait déjà que son calendrier de début de saison sera allégé et qu’un passage par le Tour de France est obligatoire. Reste à savoir s’il s’alignera de nouveau sur le Giro, lui qui semble encore une fois demandeur. Et pour améliorer encore davantage son noyau où l’on retrouve notamment Tobias Ludvigsson, Rudy Molard, Steve Morabito ou l’épatant Sébastien Reichenbach, l’Autrichien Georg Preidler a été engagé à l’intersaison. Solide rouleur, le double champion d’Autriche du contre-la-montre devrait également participer à la bonne dynamique de l’effectif dans l’effort solitaire ou lors des chronos par équipe.
Enfin, le Trèfle pourra toujours se reposer sur le punch d’Arthur Vichot, souvent en forme dès le début de saison, compter sur l’éclosion du talentueux et précoce David Gaudu, observer le comportement de l’un de ses néo-pros ou encore miser sur le prometteur pistard Benjamin Thomas (spécialiste de l’omnium et vainqueur d’étapes la saison passée sur les Quatre Jours de Dunkerque et le Tour de Wallonie) pour gagner sur tous les terrains et garder le titre officieux de meilleure équipe française du peloton.
Vital Concept, l’inconnu et le all-in sur Coquard
Ayant fait sécession d’avec Fortuneo juste avant le dernier Tour de France, la compagnie spécialisée dans le matériel et les produits pour l’élevage agricole a décidé de soutenir la toute nouvelle structure lancée par Jérôme Pineau (ancien coureur passé notamment par la Quick Step et IAM). Sa tête de gondole se nomme Bryan Coquard, transfuge de chez Direct Energie. Le sprinteur de Saint-Nazaire a ainsi fait le pari de se relancer auprès de son ami après une fin compliquée avec la formation vendéenne.
En Bretagne, il disposera d’un leadership total, avec une équipe bâtie autour de lui pour l’accompagner dans les arrivées massives ou sur les classiques qui lui correspondent. On retrouve dès lors quelques noms réputés du cyclisme français et européen, au CV solide : Kevin Réza, Johan Le Bon, Kris Boeckmans, Jonas Van Genechten, Bert De Backer ou encore Steven Lammertink. De quoi mettre dans les meilleures dispositions un Coquard revanchard qui aura à cœur de prouver sa vraie valeur, lui qui manque encore d’une victoire référence au plus haut niveau mondial (à ce jour, aucune victoire décrochée en catégorie World Tour).
Si le projet est ambitieux sur le papier, cette toute nouvelle équipe doit évidemment faire ses preuves. Et si elle bénéficiera certainement d’un calendrier appréciable où « le Coq » et son train auront de quoi briller, elle devrait en toute logique être écartée des plus grosses courses, comme on a pu le constater tout récemment avec sa non-participation confirmée par ASO pour le Tour de France et Paris-Nice (au contraire du Dauphiné où elle sera bien présente). Légère régression quand on sait qu’avec les couleurs noir et jaune, Bryan Coquard pouvait compter sur un beau programme de course, lui offrant la possibilité de se frotter au gotha du sprint ou des courses d’un jour sur de nombreuses épreuves World Tour.
Malgré cela, il n’est pas illusoire d’imaginer le sprinteur de poche décrocher 10 à 15 bouquets cette saison et ainsi contribuer à la réussite de ses nouvelles couleurs pour leur baptême du feu. D’autant que l’équipe ne pourra pas trop se reposer sur d’autres coureurs : on y trouve certes de très bons rouleurs (Johan Le Bon, Corentin Ermenault, Steven Lammertink), des attaquants infatigables (Yoann Bagot, Arnaud Courteille) ou encore des profils solides pour les classiques (Kévin Réza, Kris Boeckmans, Bert De Backer), mais l’équipe reste en majorité jeune et inexpérimentée au plus haut niveau. Il est même difficile d’imaginer ses coureurs pouvoir se mettre en valeur sur les profils de courses escarpés tant l’effectif manque de grimpeurs de référence.
R. Martinelli (@_pitxitxi_)
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