Wolfsburg - Ntep : « Je suis mort de faim »
Alors qu'il n'a pas joué le moindre match cette saison avec Wolfsburg, Paul-Georges Ntep garde le moral. Désormais international camerounais, il ne baisse pas les bras et souhaite rapidement rebondir.
Paul-Georges, on a envie de vous poser une question toute simple : comment ça va ?
Ça va bien. Physiquement, je reviens d’une petite blessure qui m’a mis à l’arrêt trois semaines pendant la trêve internationale. Moralement, ça va aussi. Forcément, ce n’est pas évident les week-ends de regarder les matchs depuis les tribunes. Mais c’est la vie de footballeur.
Vous n’avez pas disputé le moindre match cette saison avec Wolfsburg. Pourquoi ?
C’est un choix de l’entraîneur. C’est lui qui choisit de faire son équipe en fonction de ses besoins. Parfois il y a des décisions qui sont prises, pas forcément sportives. Mais de ce qu’on m’a dit, c’est un choix sportif du coach.
Votre entraîneur, Bruno Labbadia, ne vous a jamais expliqué sa décision ?
On a eu une discussion une fois au mois d’octobre. Il m’a dit qu’il avait suivi mes performances à Rennes, qu’il avait vu que j’avais beaucoup de qualités lors de la reprise de l’entraînement en début de saison. Mais il trouvait que je manquais de coffre pour apporter vraiment à l’équipe. Il m’a dit aussi qu’il avait d’autres solutions à mon poste, des joueurs qui lui montraient peut-être un peu plus. Bref, en gros, il m’a dit que je n’étais pas encore prêt dans son esprit.
Vous a-t-il fait comprendre que sa décision était définitive ?
Il ne m’a pas fermé la porte. Il ne m’a pas dit que je ne jouerais jamais. Ce n’est pas ce discours qui m’a été tenu, c’est ça le truc. On ne m’a jamais dit "c’est mieux que tu partes". On m’a dit que je travaillais bien et qu’il fallait que je continue.
Vous continuez de vous entraîner avec le groupe tout en sachant que vous ne serez pas retenu pour le match du week-end. Comment le vivez-vous ?
Vous voulez que je fasse quoi ? Que je pleure ? Des fois on a de la réussite, des fois on n’en a pas. Il faut prendre son mal en patience. Ça ne m’atteint pas plus que ça. Pendant cette période-là, je suis devenu papa. Ça m’a aidé à comprendre qu’il y a des choses plus importantes dans la vie. Aujourd’hui, j’apprends à relativiser. C’est un choix que j’ai fait cet été, en sachant que ça allait être compliqué d’avoir du temps de jeu. Je ne peux pas m’en plaindre.
Regrettez-vous de ne pas être parti cet été ?
Si le discours avait été plus clair et que les choses s’étaient faites plus tôt, oui forcément, je n’aurais pas été ici aujourd’hui. Malheureusement, les propositions qui se sont présentées à moi à la fin du Mercato n’étaient pas forcément intéressantes.
Quel genre d’offres ? En France, à l’étranger ?
Il y avait des offres… Je n’en dirai pas plus. Mais selon moi, elles n’étaient pas intéressantes. J’ai donc choisi de rester à Wolfsburg et d’essayer de gagner ma place. Mais ça ne s’est pas fait. Donc maintenant, on attend. Si le coach fait appel à moi, je serai prêt. Mais de ce que je vois, ce n’est pas ce qui se profile. Je continue de donner mon maximum pour ne pas perdre de temps pour la suite.
Justement, la suite, c’est quoi ? Un départ cet hiver ?
Si possible. Je ne peux pas vous dire oui avec certitude. Le Mercato hivernal est un Mercato compliqué. Ça dépendra si des équipes ont des besoins qui correspondent avec les miens. Je serai prêt à accepter un nouveau challenge. Que ce soit en France ou ailleurs, j’ai envie de jouer. Il me faut un projet dans lequel j’ai le temps de m’épanouir, de retrouver des sensations et redevenir important dans un collectif qui compte sur moi. Il y a plusieurs possibilités, un prêt longue durée, un transfert. Tout dépendra des exigences du club. Tant que tout le monde s’y retrouve, c’est le plus important.
Vous avez été prêté en janvier dernier à Saint-Etienne, qu’en retenez-vous ?
Ça a été une très bonne expérience. C’est un club familial qui m’a fait du bien. J’ai gardé plein de contacts. Je n’ai pas encore eu le temps d’aller les revoir mais ça vraiment été un très bon moment avec eux. C’est regrettable d’avoir été blessé à cette période-là. Je n’ai pas pu profiter à 100% d’être sur le terrain. Mais c’était top !
Partir en sélection avec le Cameroun en septembre dernier a également dû vous faire du bien…
Aller en sélection, parler avec le sélectionneur (ndlr : Clarence Seedorf) m’a fait du bien moralement. Ça m’a boosté. Il m’a rassuré. Il a une approche très professionnelle de la sélection, tout est carré. Il a beaucoup d’exigences et essaye de tirer le meilleur de chacun. Forcément ça demande du temps de changer les mentalités. Il faut qu’on continue à apprendre à se connaitre. Mais on a le potentiel pour aller loin.
Pourquoi avoir choisi le Cameroun après avoir connu 2 sélections avec la France ?
C’était un choix par rapport à ma famille et aussi par rapport à ma situation. Le Cameroun, c’est une longue histoire. Ils m’avaient contacté bien avant l’équipe de France. Ça ne s’était pas fait parce que je trouvais que c’était beaucoup trop instable à cette époque-là. Après, je me suis engagé avec les Espoirs français. J’ai ensuite été appelé en Equipe de France. Pour moi, c’était la concrétisation de mon parcours avec les jeunes donc c’était la suite logique. Malheureusement, j’ai connu des pépins physiques qui m’ont éloigné petit à petit des Bleus. J’ai discuté avec le nouveau sélectionneur de ses attentes et des attentes du peuple camerounais. J’ai trouvé que c’était le bon moment pour accepter.
La CAN qui se profile l’été prochain devrait se dérouler au Cameroun. Est-ce un objectif d’y participer ?
Le fait que ce soit normalement au Cameroun, c’est quelque chose d’important pour ma famille. Je sais qu’il y a débat en ce moment, on verra sur quoi ça aboutira. C’est un objectif d’y participer. C’est pour ça que j’ai besoin d’avoir du temps de jeu.
Clarence Seedorf, le sélectionneur camerounais, vous a-t-il demandé de retrouver un club pour pouvoir être appelé ?
Il ne m’a pas dit ça du tout. Au contraire, il m’a dit d’être égoïste et de travailler pour moi, peu importe si je ne joue pas en club, de redoubler d’efforts. C’est ce que j’essaye de faire. Mais il ne m’a jamais dit "tu dois jouer, tu dois partir dans un autre club". Il sait que j’ai faim et que je ferai tout pour être prêt pour la CAN.
Il y a quelques temps vous fêtiez vous première sélection en Bleu, aujourd’hui vous vous battez pour une place avec le Cameroun. Comment jugez-vous votre trajectoire ?
Je me suis fermé à toutes les critiques. Je n’ai rien à prouver à personne. J’ai explosé tardivement. J’ai commencé à 20 ans en deuxième division avec Auxerre. A 22 ans, j’ai été lancé en Ligue 1. Entre 22 et 26 ans, j’ai connu des gros bas. Je profite de chaque jour parce que chaque événement, à part les blessures, viennent de choix que j’ai fait. Il ne faut pas vivre avec des regrets. Après la pluie vient le beau temps. C’est du moins ce que j’espère. C’est pour ça que je travaille et que je continue à regarder de l’avant. Je ne peux pas dire "si je n’avais pas été blessé, j’aurais fait ci ou ça." Forcément quand on est en haut, on se croit intouchable. Quand on est en bas, ça nous apprend l’humilité. Ces cicatrices m’ont forgé. Aujourd’hui, je suis différent du jeune homme que j’étais quand je suis arrivé à Rennes. Je suis lucide sur ma situation et sur le fait que je pars de loin dans l’esprit des gens et des clubs.
Vous n’avez plus joué en club depuis le 19 mai dernier. Êtes-vous donc conscient que certains clubs puissent être retissant ?
Oui, les clubs peuvent avoir des appréhensions. Ce que je peux dire, c’est que je suis mort de faim, j’ai envie de jouer et de retrouver la compétition. Je connais le football. Je sais mes qualités, ce que je peux apporter et sur quoi je dois encore travailler.
Avez-vous déjà quelques touches pour cet hiver ?
Pour l’instant, je m’occupe de ma fille. Je laisse mon agent gérer les éventuelles propositions. La seule chose qui est important, c’est la santé. Le reste, ça viendra quand ça viendra.