D'outsider en apprentissage à vainqueur final, un Tour inoubliable pour Tadej Pogacar
Venu sur le Tour de France pour apprendre aux côtés de Fabio Aru, Tadej Pogacar a fait mieux que ça en renversant Primoz Roglic pour s'imposer ce dimanche sur les Champs-Elysées.
Une ascension à vitesse « grand V ». Qui aurait pensé, le 14 septembre 2019 au sommet de la Plataforma de Gredos lors de la 20eme étape du Tour d’Espagne, que Tadej Pogacar serait à peine plus d’un an plus tard le vainqueur du Tour de France 2020 ? A l’issue d’une improbable chevauchée, le Slovène avait déjà donné rendez-vous en même temps qu’il s’offrait son premier podium sur un Grand Tour. Pourtant, ce n’est pas pour gagner que le coureur de 21 ans était annoncé par son équipe UAE Team Emirates. « Fabio Aru sera notre leader parce que c’est celui qui a le plus d’expérience. Tadej Pogacar va s’aligner sur une course qu’il ne connaît pas encore et qui ressemble à aucune autre au calendrier, avait déclaré en marge du Grand Départ de Nice Joxean Matxin, manager de la formation émiratie. En ce qui le concerne, l’objectif est d’apprendre et de voir jusqu’où il va pouvoir aller, sans aucune pression. » Et pour voir jusqu’où il pouvait aller, les dirigeants de la formation UAE Team Emirates ont vu tout au long de ces trois semaines où la destinée d’un jeune coureur a sans doute changé pour l’ensemble de sa carrière.
Pogacar a très vite appris de ses erreurs
Passé au travers des chutes à l’occasion d’une première étape rendue piégeuse par la pluie dans l’arrière-pays niçois, Tadej Pogacar a pris ses responsabilités dès la première arrivée au sommet de ce Tour de France. Sur les pentes d’Orcières-Merlette, il a su résister au train d’enfer de l’équipe Jumbo-Visma avant de s’incliner au sprint face à son compatriote et ami... mais également principal rival, Primoz Roglic. Très jeune, Tadej Pogacar n’a pas été à l’abri d’une erreur qui, rétrospectivement, aurait pu lui coûter la victoire finale. Piégé par le coup de bordure de l’équipe Ineos Grenadiers à la sortie de Castres lors de la 7eme étape, le Slovène a lâché 1’21’’ pour reculer au 16eme rang au classement général. Mais c’était sans compter sur le mental de ce gamin. Alors que Nans Peters a pu savourer la victoire d’étape à Loudenvielle, le Slovène a secoué le groupe des favoris dans les pentes du Col de Loudenvielle pour récupérer d’un coup la moitié du temps concédé la veille. Une force de caractère qui ne l’a pas abandonné jusqu’aux Champs-Elysées. Mais ce qui a sans doute changé fondamentalement l’approche du Tour de France pour Tadej Pogacar a été l’ensemble des événements de la 9eme étape vers Laruns.
L’abandon d’Aru aura peut-être tout changé
Car, en plus de prendre sa revanche sur Primoz Roglic au sprint pour remporter sa première étape sur le Tour de France, le Slovène a été intronisé seul leader de son équipe UAE Team Emirates. Hors de forme et rapidement distancé par le peloton, Fabio Aru s’est résigné à mettre pied à terre, laissant le champ libre à son jeune coéquipier qui a démontré une faculté à apprendre plus rapide que la moyenne et une ambition sans cesse croissante. Un deuxième podium sur un Grand Tour pour le natif de Komenda a commencé à se construire sur les pentes du Puy Mary, où il a été le seul à pouvoir suivre Primoz Roglic et éviter de perdre trop de temps. Installé à la deuxième place du classement général, il a ensuite fait sienne la montée du Grand Colombier. C’est alors que le duel entre Slovène a démarré avec, en apothéose, ce contre-la-montre à La Planche des Belles Filles. Une menace que Primoz Roglic, qui le connaît très bien, a toujours su prendre au sérieux... mais sans jamais franchement essayer de « tuer le Tour de France ». Dans les Alpes, le leader de l’équipe Jumbo-Visma n’aura réussi à reprendre que dix-sept secondes à Tadej Pogacar, bien aidé par les bonifications au sommet du terrible Col de la Loze.
Un final ahurissant !
Décramponné dans cette pente irrégulière et impitoyable, le leader de l’équipe UAE Team Emirates a sans doute imaginé à ce moment-là que tout était perdu, qu’il ne serait jamais en mesure de reprendre 57 secondes à un spécialiste reconnu de l’exercice. C’était oublier que, à la fin du mois de juillet sur une montée de col chronométrée, c’est bien Tadej Pogacar qui a été sacré champion de Slovénie du contre-la-montre devant... Primoz Roglic, qui avait remporté la course en ligne quelques jours auparavant. C’est alors que l’improbable est devenu réalité. Au prix d’une ascension de La Planche des Belles Filles effectuée à une allure supersonique et, surtout, au « feeling », n’ayant pas le moindre capteur de puissance ou autre ordinateur de bord sur son vélo de montagne, un coureur de 21 ans a renversé le Tour de France dans un scenario que beaucoup ont rapproché de celui de la dernière étape de l’édition 1989, les fameuses huit secondes entre Greg LeMond et Laurent Fignon. Mais ça n’est pas comparable tellement tout est différent. En 36 kilomètres, les 57 secondes de retard dont devenues 59 secondes d’avance devant une équipe Jumbo-Visma qui a cadenassé la course mais sans jamais savoir la conclure. Peut-être la faute à un Primoz Roglic en manque d’esprit d’initiative. Mais, ce dimanche, un an après l’avènement d’Egan Bernal, c’était l’heure du sacre d’une autre jeune étoile du cyclisme international. Un nom qu’il faudra longtemps retenir : Tadej Pogacar.