Serie A - Sarri, trop insoumis pour la Juve ?
La Juventus espère retrouver le succès sur le terrain de la SPAL. Philippe Genin nous décrypte les difficultés de Maurizio Sarri.
On ne peut pas plaisanter avec la Juventus. Il y a les résultats, excellents en début de saison et qui ont notamment fait de Maurizio Sarri l'entraîneur à atteindre le plus rapidement les 100 victoires en Serie A (depuis 25 ans). Mais Sarri a beau être devenu le deuxième coach des Bianconeri à avoir décroché 16 succès sur ses 17 premiers matchs à domicile, depuis Carlo Parola en 1960, il y a quelque chose qui cloche. La Juve a concédé deux défaites lors de ses deux dernières sorties à l'extérieur, et même trois sur les cinq derniers déplacements, après être restée invincible jusqu'à ce début du mois de décembre.
« Malgré ses énormes qualités, il ne correspond pas forcément à la Juve, estime Philippe Genin. C'est une vraie entité, il y a un décalage sur sa présentation et sa façon de s'exprimer, il est briefé avant chaque conférence de presse. Le club fait très attention à ce qu'il peut sortir, par rapport à son image. » Comme à Chelsea, où on se souvient notamment de son incroyable incompréhension avec Kepa avant les tirs au but en finale de League Cup (le portier espagnol avait refusé de sortir face à Manchester City, malgré les consignes de son entraîneur), Sarri prouve aussi ses difficultés à gérer un grand club européen.
« Il manque de prise de risque, affirme le spécialiste de la Serie A sur beIN SPORTS. N'importe quelle grosse écurie met Cristiano Ronaldo, Gonzalo Higuain et Paulo Dybala ensemble, s'ils sont en forme. Il a voulu installer Federico Bernardeschi en tant que n°10, ça n'a pas fonctionné... Il a pris beaucoup de retard en tâtonnant comme ça sur son équipe type, ça influe sur le jeu. Il y a eu une grande réunion, une grosse prise de conscience des cadres comme Leonardo Bonucci, Giorgio Chiellini, Gianluigi Buffon et Andrea Barzagli, qui est désormais adjoint. Ils ont la mémoire du club dans la peau et font très attention, ils veulent se sortir eux-mêmes de ce mauvais pas. Sarri a aussi vu Andrea Agnelli, il y a eu des discussions. »
La Juve a beau être en tête de Serie A et encore engagée dans toutes les compétitions, la défiance est donc clairement de mise. « Il avait fait du très bon travail à Empoli avec des joueurs de seconde zone, pareil à Naples où il a eu des hommes de talent, mais qu'on ne connaissait pas à la base, rappelle encore 'Pippo' Genin. Il a pu imposer son système de jeu, là c'est plus compliqué. Pep Guardiola, Massimiliano Allegri ou Jürgen Klopp ont une stature, c'est moins difficile pour eux de mettre des choses en place. Antonio Conte, par exemple, n'a mis qu'un mois et demi à installer sa défense à trois à l'Inter, ça n'a pas été facile mais il a cette signature, ce savoir-faire dans la communication. C'est peut-être ce qui manque à Sarri. »
Si son rapport avec Cristiano Ronaldo demeure tout à fait correct (grâce, évidemment, aux résultats), il y a tout de même eu des petites frictions, ainsi qu'avec Dybala. « C'est plus facile de manager et d'engueuler un joueur de moindre niveau, conclut notre spécialiste du football italien. Il lui restera un an de contrat la saison prochaine, je ne le vois pas rester. Il y a des petits signes qui ne trompent pas, comme sa tenue. En demi-finales de Coupe d'Italie, à San Siro, il n'était pas rasé et n'avait pas le costume du club... » Sarri, ce bouillonnant insoumis, fumeur compulsif - une pneumonie avait retardé son début de saison -, est sans doute trop atypique et entier pour s'accommoder aux habits d'une si vieille dame.