Fabrice Metz : "Plus de vacances ? Pas de problèmes !"
Deuxième ligne à la Section paloise, Fabrice Metz n’a pas attendu la fin de sa carrière pour préparer la suite : l’Alsacien se confie sur sa double casquette de rugbyman et de chef d’entreprise.
Fabrice Metz, comment se passe le confinement pour vous ?
Je le prends du bon côté. Je le respecte au maximum. J’essaie de faire des exercices physiques un peu intenses à la maison, même si ça ne sera jamais à l’entraînement. Je respecte aussi un programme alimentaire adapté aux efforts que je fais pendant la journée. On n’a pas à se plaindre. Le staff nous fait confiance. On est des pros donc le jour où le confinement sera terminé et qu’il nous retrouve, c’est impensable pour moi d’arriver hors de forme.
Etes-vous rentré dans votre Alsace natale pendant le confinement ?
Pas du tout, je suis resté sur Pau. Je voulais profiter de la famille et je ne voulais pas retraverser la France par rapport aux risques de contamination.
D’un point de vue compétiteur, n’êtes-vous pas trop frustré par la suspension de la saison ?
Forcément car on s’est sorti d’une situation un peu délicate en l’emportant contre Montpellier donc on aurait bien aimé enchaîner. On aime bien la compétition mais le sportif passe au second plan. Aujourd’hui, le plus important est de protéger nos grands-parents et nos parents de cette crise sanitaire.
Des discussions sont effectives sur la reprise ou non du championnat dans les prochaines semaines. Quel serait votre souhait ?
Aujourd’hui, pour moi, la priorité n’est pas de savoir si on va reprendre ou pas. Nous, on est là pour jouer, les entraîneurs sont là pour coacher et les présidents pour présider. Chacun doit rester à sa place et faire ce qu’il a à faire. Aujourd’hui, les autorités sont assez compétentes pour prendre la bonne décision. Nous, on a juste à s’entretenir pour être prêts quand ça reprendra.
Sur le plan individuel, vous étiez sur une très belle saison avec l’intégralité des 17 matchs disputés et vous étiez l’un des meilleurs plaqueurs du Top 14…
J’ai découvert tout ça ces derniers temps avec les articles qui sont sortis. Je suis forcément fier de ça même si mon âme de compétiteur me dit que je peux encore m’améliorer sur pas mal de choses, notamment sur mon taux de placages réussis où je suis environ à 90% et où je peux faire mieux.
Parlons désormais de votre double casquette puisque vous êtes également chef d’entreprise. Pouvez-vous nous présenter ce que vous faites en dehors du rugby ?
Aujourd’hui, je suis associé avec mon frère sur Metz Bois Energie. On est producteurs de bois énergie, c’est-à-dire du bois/bûche pour les particuliers. Depuis quatre ans, on a investi dans une déchiqueteuse à bois afin de faire de la plaquette forestière qui est destinée à alimenter les chaufferies industrielles, collectives ou d’hôpitaux.
Comment cette idée est-elle venue ?
Elle est venue lorsque je jouais au Racing il y a quelques années. Je ne jouais pas forcément beaucoup et je me prenais la tête. Je me suis toujours dit qu’il fallait avoir une porte de secours si jamais le rugby devait s’arrêter. Du coup, je suis tombé sur une étude de marché par rapport à la plaquette forestière et j’ai vu que c’était un marché qui allait se développer. C’était donc la suite logique de l’évolution de l’entreprise familiale. J’ai demandé à mon frère s’il était intéressé pour s’associer avec moi et investir dans une machine qui coûtait 400 000 euros. Il était partant donc on a investi dans une machine d’occasion. Un autre événement a accéléré les choses : j’ai été prêté un an par le Racing à Oyonnax et lors d’un match à Toulouse, j’ai eu un accident et j’ai eu très peur. J’ai cru que j’allais être paralysé après qu’une mêlée s'est effondrée sur ma tête. Quand j’étais sur le lit d’hôpital, en attendant le verdict des médecins pour un éventuel problème aux cervicales, je me suis dit que c’était une bonne chose d’avoir créé cette entreprise…
Ce sont donc ces deux événements qui vous ont conforté dans votre souhait de déjà penser à l’après-carrière…
Tout à fait. C’est ainsi devenu une entreprise familiale. Mon frère Olivier est la personne sur le terrain, il travaille avec la machine. Mon père s’occupe de tout ce qui est entretien du matériel. Ma mère s’occupe de tout ce qui est logistique des carburants. Et moi à distance j’essaie de prendre contact, d’envoyer les mails et les soulager de tout ce qui relève de l’administratif.
Travailler en famille a de bons côtés mais aussi cela peut créer des tensions qui ne sont pas toujours faciles à gérer…
Oui, ça peut arriver. Maintenant, ça n’est pas moi qui fait vivre la société. C’est moi qui ai eu l’idée mais, aujourd’hui, si ça marche, je ne dois pas en récolter tous les lauriers. C’est beaucoup grâce à mon père, ma mère et mon frère. Je ne suis qu’un maillon externe de la société. J’essaie surtout d’apporter des idées mais si ça marche, c’est grâce à eux. C’est gratifiant de faire ça avec sa famille en étant parti de zéro.
Quand la saison bat son plein, arrivez-vous bien à compartimenter le sportif et l’entreprise ?
Oui, ça m’a même permis de trouver un équilibre mental : c’est-à-dire que le jour de repos, je ne vais pas penser au rugby, je vais penser à la société, à ce que je peux lui apporter. Ça me fait une coupure très saine par rapport au rugby.
Etes-vous le seul à votre connaissance dans le monde du rugby à avoir opté pour cette double casquette ?
Non, je sais que d’autres ont embrassé ce genre d’initiatives. Maintenant, je sais que je suis très particulier : je serais capable de ne jamais partir en vacances pendant toute ma carrière pour m’assurer un avenir après-rugby. Après, ce que je fais là aujourd’hui, ça marche plus ou moins, peut-être que demain, ça ne marchera plus et j’aurais perdu beaucoup d’argent et de temps sur ça. Je me suis toujours juré que si cette double casquette faisait pâtir mes performances sur le terrain, j’arrêterais. Aujourd’hui, c’est loin d’être le cas.
Faites-vous un peu de prosélytisme auprès des coéquipiers avec qui vous êtes le plus proches pour les alerter sur l’après-carrière ?
Oui, j’en parle avec certains. Il y en a certains qui se moquent mais je leur dis : « Rigolez, rigolez. Je partirai peut-être une semaine en vacances à l’intersaison mais si je dois prendre une décision par rapport à une grave blessure, elle sera beaucoup plus facile à prendre ! ».
L’économie du rugby a beaucoup évolué ces dernières années mais quand vous avez une carrière d’une dizaine d’années en Top 14, est-ce suffisant pour s’assurer une retraite sportive « honnête » financièrement ?
Aujourd’hui, on n’est pas à plaindre. Un joueur de rugby gagne bien sa vie mais ça ne suffit pas du tout pour pouvoir en vivre après sa carrière sportive. Le rugby et le bois sont mes passions donc je n’aurai pas de mal à passer de l’un à l’autre. Aujourd’hui, le rugby, je m’y donne à 200% mais je le vois aussi comme un tremplin pour réussir ma deuxième carrière professionnelle.