beIN Confidences : Ici, tu peux devenir le sportif parfait
Comment se passe une journée type pour un étudiant-athlète sur un campus universitaire ? C’est simple. Mon emploi du temps est en deux partie : le football le matin, les cours l’après-midi.
Je me réveille à 5h tous les jours. Je consulte généralement mon téléphone car, à cet instant, la journée en France est déjà bien entamée. J’effectue ensuite des étirements avant de partir au stade qui se situe à 5 minutes à pied de mon appartement. C’est ici que sont basées toutes les infrastructures de football. J’y arrive à 6h, l’heure d’ouverture du centre d’entraînement. Tous les matins, on doit effectuer une pesée car j’ai un poids quotidien, décidé par les préparateurs physiques, à garder. En débutant mon cursus il y a huit mois à Buffalo, je pesais 267 livres (121 kg), j’étais plus costaud mais aussi plus gras. Aujourd’hui, j’ai énormément perdu de gras et ajouté beaucoup de masse musculaire, je suis descendu à 242 livres (110 kg).
Le petit déjeuner se prend au centre, dans un self avec le reste de l’équipe. On nous oblige à prendre des Omega 3 et un jus de légumes… qui n’est pas bon du tout ! Ici, tout est contrôlé. Le staff sait qu’on n’est pas forcément amené à manger nous-même du poisson, des légumes… Donc c’est un moyen pour eux d’équilibrer notre alimentation. Mon menu du petit-déjeuner est toujours le même : des flocons d’avoine, des œufs durs, du beurre de cacahuètes et une banane. Simple et efficace.
Le centre d’entraînement est aussi un lieu de convivialité : il y a des consoles de jeux vidéo, des baby-foot… et c’est ouvert toute la journée jusqu’à 19h. C’est notre « spot ».
A partir de 6h30, on commence à se préparer physiquement. Cela peut être sous plusieurs formes : un bain d’eau chaude, des massages, de l’électrostimulation… Et à 7h tapantes, le meeting d’équipe débute. Il se termine vers 8h et se déroule en plusieurs temps : on y définit l’entraînement du jour, visionne et corrige celui de la veille avec une séance vidéo puisque nous sommes tout le temps filmés pendant l’entraînement.
Au début, toute l’équipe est réunie. Et au fur et à mesure, le meeting va être divisé entre l’attaque et défense, puis par position. Moi qui joue Defensive End (DE), je ne fais que des meetings de défense par exemple, dirigés par le coordinateur défensif. Il faut bien comprendre une chose ici : c’est que le temps, c’est de l’argent. Absolument tout est millimétré et scripté. Et si tu arrives en retard à un meeting… les sanctions tombent !
Tu as ce qu’ils appellent la « Five Minutes Rule » : c’est-à-dire que tu dois arriver 5 minutes en avance à chaque réunion, sur chaque activité. Si ce n’est pas le cas, on va te forcer à porter un t-shirt blanc avec un gros point d’interrogation noir dessus. Pendant toute la journée ! C’est pour montrer au reste de l’équipe que tu n’es pas quelqu’un de fiable, que tu es une personne sur qui on ne peut pas compter.
Ou alors autre chose, on t’enlève ton seul et unique jour de repos de la semaine, généralement le dimanche, et on te fait venir à un entraînement punitif à 6h du matin avec le préparateur physique. Lui, ça ne le dérange pas mais comme tu es tout seul, ça va être encore plus intense. Ce type-là, il est… spécial. Je ne sais pas si ça lui arrive de dormir mais il est tout le temps présent au centre. C’est un fanatique de son boulot. Toujours à 100%.
Aux alentours de 8h30, on se met en tenue et on commence l’entraînement. Soit en terrain intérieur, soit en terrain extérieur. Sachant qu’à Buffalo, l’hiver, les températures peuvent descendre jusqu’à -20 degrés. Mais comme la saison a lieu d’août à décembre, cela fait sens de s’entraîner dehors même quand les conditions sont difficiles puisqu’on est amené à jouer parfois sous la neige.
On alterne un jour sur deux entraînement et musculation. L’entraînement est assez varié : on joue des situations d’un-contre-un, de onze-contre-onze, on s’entraîne aussi par positions… jusqu’à 11h. A partir de là, le « football obligatoire » est fini pour la journée. On enchaîne ensuite sur un débriefing de la séance durant 10 minutes avant d’aller en salle de kiné pour la récupération puis c’est l’heure du déjeuner. Il est environ 11h30.
Comme le petit-déjeuner, mon déjeuner change rarement. Je dois maintenir un « journal de repas » et à la fin de chaque semaine, un nutritionniste évalue et juge ce qu’il faut garder ou changer. Actuellement, mon menu se compose de deux omelettes, cinq blancs de poulet, une grosse pomme de terre, de la salade au thon, des brocolis... et beaucoup d’eau ! Régulièrement, on effectue des tests d’hydratation : les urines de tous les joueurs de l’équipe sont analysées et si on n’a pas assez bu, le staff le sait immédiatement et tu as aussi droit à une réprimande.
Au début du semestre, toute l’équipe est divisée en unité de 4-5 joueurs. On débute avec une certaine somme de points et à chaque manquement, on en perd. A la fin de la semaine, le staff fait le compte et l’unité qui a le plus de points est récompensée : on nous offre une sortie au restaurant ou alors des sweat-shirts d’une grande marque de sport. L’unité perdante ? Elle vient pendant son jour de repos nettoyer la salle de sport. Le joueur à avoir conservé le plus de points gagne un Award nommé « The Guy of the week ». Je l’ai gagné dès ma deuxième semaine à Buffalo. C’est un véritable honneur ici. Cela prouve au reste du groupe que tu es une personne sérieuse.
De 13h à 16h, c’est l’heure des cours. Je suis en science politique. On est assez peu de sportifs à suivre ce cursus dans la fac et parfois, cela étonne les autres étudiants qu’un joueur de foot US puisse être en « science-po ». J’ai des cours d’histoire afro-américaine, de politique, de diversité…
Ici, il existe une règle, non-écrite : les étudiants-athlètes doivent s’assoir au premier rang. La raison est assez simple : le « class-check ». Du personnel est payé pour vérifier qu’on va en classe. Ils rentrent dans l’amphi et vérifient que nous sommes bien présents. Si on s’assoie au premier rang, c’est plus rapide pour eux de nous voir. Chaque jour, après les cours, je me rends au département académique. C’est un lieu créé spécialement pour les athlètes.
Lutte, basketball, natation, natation synchronisée, softball, soccer, athlétisme : tous les étudiants-athlètes se réunissent ici pour travailler après la classe. J’y retrouve ma tutrice, une personne spécialement là pour m’aider dans mes devoirs. Chaque athlète a un tuteur dédié, qui le suit au quotidien et surveille ses notes. Pour être éligible dans l’équipe, je dois valider chaque semestre un certain nombre de crédits et maintenir une moyenne générale. J’espère terminer mon cursus en deux ans et demi.
A 17h, je retourne au stade pour faire de « l’extra » : de la musculation ou du jeu sur terrain avec des entraîneurs. Tu peux être autonome et travailler seul mais des préparateurs sont toujours disponibles pour toi si tu le souhaites. Il est même possible de retourner en salle de soin si tu sens que ton corps en a besoin. Les ressources sont illimitées. On te donne les moyens de devenir le sportif parfait.
A mon poste de « Defensive End », j’ai besoin d’être très complet et versatile : je dois être mobile, rapide, explosif, puissant mais pas trop gras non plus ! Selon moi, au football, les meilleurs athlètes jouent D-End. Je pense que c’est le poste des « vrais monstres » de ce sport. Donc il faut tout le temps bosser sur son physique. De 18h à 19h30, toute l’équipe de football a une séance d’étude obligatoire et après, je prends la direction de la piscine pour faire des longueurs et du développement athlétique dans l’eau, pendant 30 minutes environ. Et c’est la fin de ma journée, enfin !
Sur le campus, je vis dans un appartement avec un « roommate », un colocataire. Il joue receveur dans l’équipe et vient d’arriver aux Bulls de Buffalo. Mon ancien « roomie » était le petit-frère de Khalil Mack, le linebacker des Bears de Chicago. J’ai eu la chance de le rencontrer un jour où celui-ci est venu lui rendre visite. Une expérience surréaliste : j’avais Khalil Mack dans mon salon !
La vie d’athlète sur le campus est très spéciale : on est reconnu partout par les autres étudiants. J’ai par exemple fait hier une interview pour le journal de la fac. On est très populaire parmi les autres élèves... Avec les filles aussi bien entendu ! Encore plus quand on est Français. Il y a plusieurs francophones sur le campus et on se connaît entre nous. Chacun sait qui est qui.
A Buffalo, j’ai même pu retrouver un ancien coéquipier du centre de formation de basket à Orléans, Joshua Mballa. Un basketteur hors-pair qui jouera un jour en NBA, j’en suis certain. Il a été transféré de Texas Tech cette année et on s’est retrouvé par hasard à Buffalo. On a beau ne pas être dans la même équipe, on fait tout de même des extras tous les deux, le foncier, la musculation… On passe beaucoup de temps ensemble. Sur le campus, tout le monde nous connait comme étant les « deux Frenchies ».
Financièrement, ma bourse couvre absolument tous mes besoins. Je dois faire attention à mes dépenses mais si on se montre responsable, il n’y a aucun problème. La fac met même en place des conférences pour nous apprendre à gérer notre argent. Ce qui participe aussi à notre popularité, c’est qu’on est parfois amené à représenter l’équipe de football lors d’évènements extérieurs. J’ai participé par exemple avec des politiciens locaux et des joueurs NFL des Bills au « Veterans Day », à l’hôpital des anciens combattants… alors que je ne suis même pas Américain !
Les jours du match, l’engouement est impressionnant. Le stade a une capacité de 29 000 personnes. Des concerts et des barbecues sont organisés en amont des rencontres. Les autres élèvent nous interpellent dans les couloirs pour nous encourager ou pour nous féliciter le lendemain d’un match en cas de victoire. C’est une fête dans tout le campus. Même en ville, les gens connaissent l’actualité de l’équipe de la fac. Les plus grandes chaînes de télévisions américaines (FOX, CBS, ESPN) sont présentes. Au moment de l’entrée sur le terrain, il y a la fanfare, les cheerleaders, la mascotte. C’est une ambiance vraiment folle !
Propos recueillis par Nicolas SARNAK