Derrière un Lebron James comme à son habitude colossal et un Anthony Davis qui a régné en maitre sur les Blazers, le 3e meilleur joueur du 1er tour des Playoffs 2018 est un rookie jouant dans un petit marché. La performance est déjà ahurissante en soi. Et pourtant, ces premières joutes de postseason laissent penser que ce n’est que le début d’une longue histoire pour Donovan Mitchell. Un conte de fées pourtant imprévisible, tant le jeune arrière dépasse les attentes pour sa première année dans la Ligue. Jusqu’où peut-il aller ?
Une progression fulgurante
Aux Etats-Unis, les meilleurs jeunes sont repérés très tôt, souvent mis en avant dès leurs années lycée, et leur entrée en université n’est qu’une étape sur le chemin qui doit les mener au sommet. Certains résistent à cette pression monumentale, d’autres explosent en plein vol. Pour Ben Simmons, la pression est son pain quotidien depuis déjà quelques années. Sa saison rookie, bien qu’exceptionnelle en termes de statistiques et d’impact, était attendue.
Pour Donovan Mitchell, cette première année est une vraie surprise.
Quand il sort l'an dernier de son année sophomore (15,5 points / match) avec les Cardinals de Louisville, Mitchell est considéré comme l’un des meilleurs arrières du pays. Bon des deux côtés du terrain, avec des qualités athlétiques évidentes, sa petite taille pour son poste (1m88) et son « ball handling » encore perfectible le repoussent dans le top 20 des prévisions avant la Draft.
Il est finalement choisi en 13e position par les Nuggets, qui le transfèrent dans la foulée au Jazz contre Trey Lyles et un choix de draft. A son poste, Malik Monk et Luke Kennard sont choisis juste avant lui. Une erreur que les franchises doivent amèrement regretter aujourd’hui…
Dès ses premiers matches, et suite à l’entreprise de reconstruction du Jazz après les départs de Gordon Hayward, Joe Johnson et George Hill notamment, « Spida » est responsabilisé mais rate ses premières sorties. Alternant entre place dans le 5 et rôle de 6e homme derrière Rubio et Rodney Hood, le rookie se troue régulièrement au tir.
Le déclic vient lors d’un match face aux Blazers début novembre lorsque Mitchell (remplaçant) score 28 points avec la victoire en prime face au duo Lillard-McCollum. Il restera 6e homme encore quelques matches, avant que ses performances ainsi que le retour au small-ball dû à la blessure de Rudy Gobert poussent Quin Snyder à revoir ses plans et à le propulser dans le 5 de départ, dont il ne sortira plus.
Régulier dans la performance
Dès lors, Mitchell est libéré. Il devient petit à petit la première arme offensive d’une équipe du Jazz régulièrement privée de Rudy Gobert, en devient le go-to-guy et impressionne les observateurs par sa constance, son activité des deux côtés du terrain mais également par sa maturité. Il ne force pas ses tirs, laisse le jeu venir à lui comme un vétéran et sait aussi se montrer leader par la voix quand il le faut.
Récompensé par quatre titres consécutifs de Rookie du mois à l’Ouest et poussé dans ses retranchements par la saison non moins incroyable réalisée par Ben Simmons, Mitchell vole enfin de ses propres ailes. Il est le premier rookie depuis Lebron James et Carmelo Anthony en 2004 (!) à être le meilleur scoreur d’une équipe de playoffs. Encore mieux, il est le 5e joueur de l’histoire, après Jabbar, Chamberlain, Bird et Robinson – excusez du peu ! – à le faire dans une équipe remportant 48 matches ou +.
Pour terminer la saison régulière, Spida score plus de 20 points dans 22 de ses 28 derniers matches, tous terminés à au moins 12 points.
Un joueur spectaculaire
Au-delà de ses qualités intrinsèques de scoreur, Donovan Mitchell est également un « entertainer », un joueur capable de coups d’éclat qui peuvent aussi faire changer le cours d’un match.
Dunks sur la tête de ses adversaires, claquettes à une main, crossovers, spin moves, « hangtime », le jeune arrière a tout d’une star en devenir : la capacité à scorer, la détermination à progresser, la résistance à la pression, mais également le sens du show et la désinvolture.
Beaucoup le comparent au jeune D-Wade, à raison. Le « Flash » de l’époque était un joueur élégant, athlétique, technique à souhait, clutch, et un pot de colle en défense. Il reste encore bien des aspects de son jeu que Mitchell doit faire évoluer pour atteindre peut-être un jour le niveau du futur Hall of Famer, mais il a toute la panoplie pour y parvenir.
Les Playoffs pour tout casser
Et tout comme D-Wade, avec même un peu d’avance, le rookie des Rocheuses montre dès sa première campagne de playoffs qu’il a ce qu’il faut également mentalement pour devenir un jour l’une des plus grandes stars mondiales de son sport. Sa saison régulière était déjà une réussite totale (20,5 points, 4 rebonds, 4 passes) mais c’est en playoffs que l’on juge la capacité d’un joueur à élever son niveau de jeu pour se hisser à la hauteur de l’évènement. Et force est de constater que pour l’instant, Mitchell fait encore mieux que ça !
Il est tout simplement monstrueux de facilité, d’abnégation, de leadership et de clutchitude dans ces Playoffs 2018. Encadré par une équipe du Jazz qui joue collectivement à la perfection et un coach poli à l’école Popovich, il règne en maître sur l’Ouest, dont il est incontestablement le meilleur joueur depuis le début de cette post season.
Avec près de 29 points/match au 1er tour, Mitchell a été le catalyseur de la chute précoce du Thunder et a réussi, du haut de ses 21 ans, à éliminer un trio All-Star contre lequel il était sur le terrain en confrontation directe. Personne n’a pu éteindre sa fougue et l’empêcher de scorer, notamment lors d’un match 6 où ses 38 points ont définitivement mis fin à sa période d’apprentissage et l’ont élevé à un nouveau statut. Avec plus de 200 points en 8 matches, Mitchell rejoint dans la fabuleuse histoire du basket Kareem Abdul Jabbar, Wilt Chamberlain et Elgin Baylor, seuls rookies avant lui à avoir scoré au moins 200 points en 8 matches de playoffs !
Mitchell est donc le premier extérieur de l’histoire de la Ligue à atteindre ce total et c’est tout sauf un hasard…
Il réalise depuis trois semaines des performances historiques qui vont mettre dans l’embarras les journalistes s’il n’est pas élu Rookie de l’année. Une victoire partagée avec Ben Simmons serait méritée et permettrait à ces deux joueurs de valider une première saison ahurissante par un trophée durement gagné.
Et maintenant, quelle limite pour Spida ?
Cette saison 2017/2018 a vu l’émergence d’un phénomène. Donovan Mitchell ne sera certainement pas, contrairement à Tyreke Evans par exemple, le joueur d’une seule saison. Le natif d’Elmsford est parti pour durer, ses performances en playoffs parlent pour lui. Reste maintenant à savoir jusqu’où ira ce garçon humble, attachant, dont le sens du collectif et le goût de la victoire est déjà fort. Dans une équipe du Jazz très bien coachée, avec un plan de jeu dans lequel il s’inscrit complètement et autour d’un groupe soudé et encore jeune, l’avenir collectif de Mitchell est radieux. Il pourrait permettre au Jazz de retrouver les finales de conférence, 11 ans après, et pourquoi ne pas viser plus haut ?
L’an prochain, son jeu sera mieux connu, il devra donc s’adapter pour tromper des défenses mieux préparées à l’affronter. Car c’est ce qu’il est à présent : une star, un joueur craint, respecté mais qui sera serré de près par les meilleurs défenseurs adverses.
L’avenir de Donovan Mitchell s’inscrit en lettres d’or, le All-Star Game l’attend l’an prochain et pourquoi pas encore plus haut ? Après tout, le joueur est déterminé, le garçon assez timide et attaché à sa franchise… Derrière le duo Malone-Stockton, « Spida » pourrait devenir une légende du Jazz s’il arrive à faire revenir sa franchise en finale NBA.
Arrière scoreur, 13e de la Draft, échangé le jour même, vainqueur du Slam Dunk Contest dès sa saison rookie, mentalité de gagneur et capacité à se sublimer dans les grands moments, ça ne vous rappelle pas quelqu’un ? Et si la carrière de Donovan Mitchell prenait le même chemin que celle du « Black Mamba » ? Et si « Spida » prenait le flambeau laissé par Kobe Bryant un soir d’avril il y a 2 ans déjà ?
Adrien Pelletier (@adrienpelletier)
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